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France24
Sébastien Lecornu nommé Premier ministre, un nouveau visage qui ne change pas l’équation
#Macron #Lecornu #extremedroite
Article mis en ligne le 10 septembre 2025

Emmanuel Macron a nommé mardi soir Sébastien Lecornu comme nouveau Premier ministre en remplacement de François Bayrou. Proche du président de la République, celui qui était depuis trois ans ministre des Armées devrait poursuivre la même politique, se mettant à dos le Parti socialiste et n’ayant plus que le Rassemblement national comme interlocuteur pour éviter une censure.

Emmanuel Macron a cette fois-ci rapidement tranché avec une décision qui est tout sauf une surprise : le macronisme se poursuivra avec Sébastien Lecornu à Matignon. Le chef de l’État prend ainsi le risque de prolonger le blocage institutionnel ou de voir son cinquième Premier ministre en moins de deux ans être à son tour renversé d’ici à quelques semaines. (...)

Et même si Emmanuel Macron demande à Sébastien Lecornu, avant de composer son gouvernement, de "consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget pour la nation et bâtir les accords indispensables aux décisions des prochains mois", le casting gouvernemental ne devrait guère changer. Les mêmes têtes d’affiche comme Bruno Retailleau, Gérald Darmanin, Élisabeth Borne, Catherine Vautrin, Rachida Dati ou encore Manuel Valls ont ainsi de fortes chances d’être reconduites.

Dans ces conditions, comment imaginer Sébastien Lecornu faire mieux que ses deux prédécesseurs ? Alors que le chef de l’État avait demandé le 2 septembre aux responsables du socle commun de "travailler" avec les socialistes, ces derniers, qui espéraient gouverner, ont rapidement fait savoir que le nouveau Premier ministre ne pourrait pas compter sur eux. (...)

Dîners secrets avec Marine Le Pen et Jordan Bardella

Le salut ne pouvant a priori venir de sa gauche, Sébastien Lecornu se tournera-t-il vers son extrême droite ? Alors ministre des Armées, il avait été épinglé en 2024 par Libération, puis de nouveau en 2025 par Le Canard enchaîné, pour des dîners avec Marine Le Pen et Jordan Bardella.

Impossible de savoir si ces rencontres secrètes avec les dirigeants du Rassemblement national (RN) lui assureront une non-censure des 123 députés d’extrême droite. Mais déjà, le discours du RN a évolué. Alors qu’il réclamait une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale et promettait la censure en cas de nomination d’un Premier ministre macroniste, Jordan Bardella semble plus enclin à laisser sa chance à Sébastien Lecornu. (...)

L’équation qui se présente à Sébastien Lecornu apparaît donc tout aussi ardue que pour Michel Barnier et François Bayrou, voire encore plus délicate. Car son arrivée à Matignon – la passation de pouvoirs est prévue mercredi 10 septembre à midi – survient le même jour que "Bloquons tout", un mouvement social appelant à bloquer le pays. À peine entré en fonction, le nouveau Premier ministre doit gérer une crise dans la crise.

Lire aussi :

 (Mediapart)

Lecornu à Matignon : le choix de la déraison

Décidé à garder le pouvoir malgré l’absence de majorité, Emmanuel Macron a pioché dans son premier cercle pour remplacer François Bayrou. En nommant le ministre des armées sortant, il choisit de propulser une figure appréciée par Marine Le Pen pour mieux assurer sa survie politique.

iSi Emmanuel Macron avait voulu faire un bras d’honneur à la colère qui gagne la société, il aurait difficilement trouvé meilleure manière de s’y prendre. Quelques heures après la démission de François Bayrou, renversé par l’Assemblée nationale la veille, le président de la République a nommé Sébastien Lecornu au poste de premier ministre. « Il l’a chargé de consulter les forces politiques représentées au Parlement » pour « bâtir » des accords « indispensables », précise l’Élysée dans un communiqué publié dans la soirée du mardi 9 septembre.

À 39 ans, le ministre des armées accède à une fonction que le chef de l’État souhaite lui confier de longue date. C’est là que réside l’incongruité, sinon l’indécence de cette nomination : dépourvu de majorité parlementaire depuis un an, Emmanuel Macron choisit un de ses plus proches pour diriger le gouvernement après que la représentation nationale a renversé ses deux derniers premiers ministres.

Le décalage est frappant entre un président de la République plus jaloux que jamais de ses prérogatives constitutionnelles et le résultat du suffrage universel, qui a durement sanctionné ses soutiens en juillet 2024. (...)

Les proches d’Emmanuel Macron racontent depuis des années l’affection que celui-ci porte à ce ministre « loyal », « discret », « fin politique ». Les voix les plus sévères disent « politicard ». Ce que confirme sa biographie : militant de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) dès l’adolescence, Sébastien Lecornu n’a pas de métier. C’est la politique qui le fait vivre depuis ses 19 ans, au fil d’un CV qui fleure bon le XXe siècle : assistant parlementaire, conseiller ministériel, maire, président de conseil départemental, sénateur, ministre… (...)

Le voilà donc désormais premier ministre, avec l’objectif de sauver le président de la République de la crise de régime qu’il a lui-même créée. Le texte de l’Élysée est limpide quant à l’ambition limitée de son magistère : « la défense de l’indépendance et de la puissance » de la France, « le service des Français » et « la stabilité politique et institutionnelle » du pays.

Des formules flatteuses pour dire la priorité absolue de l’exécutif : convaincre une partie des oppositions de ne pas renverser le gouvernement, faire adopter le budget de l’État avant la fin de l’année et tenir au moins ces « prochains mois », un horizon assumé par la présidence dans son message aux rédactions. Comprendre : dans l’attente des futures échéances électorales. « Si ça tient jusque-là, plus personne ne pensera au départ du président de la République », imaginait récemment une figure du camp présidentiel.

Reste à savoir auprès de qui Sébastien Lecornu trouvera l’appui nécessaire pour réussir là où ses deux prédécesseurs ont échoué. Alors qu’un consensus se dégageait ces derniers temps dans le camp présidentiel pour changer de méthode, cesser de trouver des voies de passage avec le Rassemblement national (RN) et sceller avec le Parti socialiste (PS) un accord de non-censure, le choix de l’élu de l’Eure fait planer la suspicion sur les ambitions réelles de l’exécutif. (...)

Fin avril, Le Canard enchaîné rapportait que Marine Le Pen et Jordan Bardella avaient de nouveau dîné avec le ministre des armées dans ses bureaux de l’hôtel de Brienne, « toujours dans le plus grand secret ». Après Michel Barnier et François Bayrou, le chef de l’État a donc donné de nouveaux gages au RN dans l’espoir de se maintenir au pouvoir grâce à lui. Un choix qui choque – ou désespère – jusque dans les rangs du camp présidentiel.
Un mauvais signal

La nomination de Sébastien Lecornu est aussi un mauvais signal envoyé aux outre-mer qui ont pâti de son passage rue Oudinot entre juillet 2020 et mai 2022. Avec son ami Gérald Darmanin et Emmanuel Macron, le nouveau premier ministre est en effet membre du trio qui a précipité la Nouvelle-Calédonie dans le chaos, en rompant avec la méthode qui avait permis à l’archipel de maintenir la paix pendant des décennies.

Alors que les plaies nées de la révolte kanak sont toujours vives, Sébastien Lecornu arrive à Matignon à la veille d’un autre mouvement de mécontentement, plus hexagonal. Une mobilisation protéiforme menace ainsi de « tout bloquer » le mercredi 10 septembre, tandis que les centrales syndicales promettent manifestations et grèves à compter du 18 septembre. « Nommer un mec qui prend la mobilisation pleine balle, ça serait une très mauvaise idée », soufflait mardi une ancienne ministre, cadre du parti présidentiel.

Sur le strict plan de la cohésion de son faible socle partisan, le choix d’Emmanuel Macron n’est pas sans risques. Si Bruno Retailleau et Édouard Philippe, chefs respectifs des partis Les Républicains (LR) et Horizons, devraient s’accommoder de la promotion de celui qui ne fait pas office de concurrent pour la prochaine présidentielle, le lien entre Matignon et Renaissance promet d’être distant. À l’image des relations polaires qu’entretiennent Sébastien Lecornu et Gabriel Attal, secrétaire général du parti macroniste, qui a fait mine de se féliciter de sa nomination. (...)

Dans l’opposition de gauche, l’hostilité à la décision présidentielle est plus claire. Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise (LFI), a dénoncé sur X la « triste comédie du mépris du Parlement, des électeurs et de la décence politique », tandis que Marine Tondelier a évoqué, au nom des Écologistes, la « nouvelle provocation d’Emmanuel Macron ». Le PS, au cœur des attentions du pouvoir, a regretté que le chef de l’État « s’obstine dans une voie qui a conduit à l’échec et au désordre » et prenne « le risque de la colère sociale légitime et du blocage institutionnel du pays ».

À l’extrême droite, Éric Ciotti, chef de file de l’Union des droites pour la République (UDR), a critiqué « le dernier sursis d’un pouvoir agonisant ». « On ne change pas une équipe qui perd », a abondé Jordan Bardella, sans toutefois dire si ses député·es censureront le gouvernement Lecornu, qui devrait ressembler comme deux gouttes d’eau au précédent. (...)