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Mediapart
Un rapport de l’ONU dénonce les profiteurs de la guerre génocidaire à Gaza
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #ONU
Article mis en ligne le 5 juillet 2025

La rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés épingle le vaste réseau de multinationales qui profitent du massacre à Gaza : celles qui équipent Tsahal, qui financent l’État israélien, ou qui participent à l’exploitation des territoires occupés.

« Si la Palestine était une scène de crime, elle porterait nos empreintes à nous tous, à travers ce que nous achetons, les entreprises que nous choisissons pour assurer nos voitures et nos maisons, les banques où nous mettons notre argent, les investissements que nous faisons [...] et même les universités où nous allons », a déclaré Francesca Albanese jeudi 3 juillet lors d’une conférence de presse au Conseil des droits de l’homme, à Genève.

La rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés présente non pas une « liste » d’entreprises, mais un « système » auquel il faut s’attaquer, tout en fustigeant une situation « apocalyptique ». Elle appelle à suspendre les relations commerciales avec toute entité susceptible de mettre en danger les Palestiniens et les Palestiniennes, tout comme les investissements dans leurs activités… et à imposer des sanctions et un embargo sur le commerce d’armes vers Israël. (...)

En octobre 2024, Francesca Albanese avait publié un autre rapport qui visait à démontrer l’intention génocidaire d’Israël. Ses prises de position lui avaient valu des attaques violentes de la part des groupes d’influence soutenant la politique israélienne actuelle.

Trois mois après le renouvellement contesté de son poste pour trois ans, Francesca Albanese revient avec ce nouveau rapport intitulé « De l’économie coloniale à l’économie du génocide ». Dans le viseur : des dizaines d’entreprises des secteurs militaire, technologique, financier, bancaire, ou encore de l’énergie, du tourisme, de l’agriculture… Toutes ont en commun d’avoir participé au « déplacement » et au « remplacement » de Palestinien·nes, ou à toute action ayant pu faciliter ces opérations.

Responsabilité et « complicité » des entreprises

Quelques noms d’enseignes bien connues des consommateurs et consommatrices ressortent. L’états-unien Caterpillar, le coréen HD Hyundai ou encore le suédois Volvo ont joué un rôle dans la destruction dans les territoires palestiniens occupés, mais aussi dans la construction illégale de colonies. Le rapport cite aussi les plateformes Airbnb et Booking.com, qui permettent d’y faire du tourisme, et le français Carrefour, qui y a noué des partenariats.

Le rapport s’ancre surtout dans l’actualité récente, décrivant comment, depuis le 7 octobre 2023, Israël s’est appuyé sur le secteur privé international pour soutenir sa guerre génocidaire. D’un côté, en orchestrant un business international autour de la destruction et de l’élimination : de quoi fournir Tsahal en armement mais aussi en technologies de surveillance. (...)

« Le rapport de Francesca Albanese vient compléter la base de données de l’ONU, pour documenter, en temps de génocide, la complicité des entreprises. C’est extrêmement grave », analyse Imen Habib, animatrice de la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) en France – mouvement qui mène son propre travail de vigie depuis 2005.

Le travail de Francesca Albanese résonne aussi avec l’avis consultatif émis par la Cour internationale de justice (CIJ) le 19 juillet 2024. (...)

Pour Alexis Deswaef, vice-président de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), le rapport de Francesca Albanese « insiste sur notre obligation de se conformer à cet avis consultatif que nos États se sont empressés d’oublier ». Mais la rapporteuse va aussi plus loin : elle recommande directement aux entreprises d’indemniser le peuple palestinien, suggérant une « taxe » sur l’enrichissement lié à la situation d’apartheid dans les territoires occupés, dans la lignée des réparations post-apartheid en Afrique du Sud.

« Francesca Albanese recommande d’abord des sanctions économiques, couplées à un gel des avoirs des entités ou des personnes impliquées dans ces crimes. Son idée de taxe sur l’enrichissement vient en complément, pour viser le portefeuille de ceux qui ont profité des crimes », analyse Alexis Deswaef. Il poursuit : « C’est inspiré du droit pénal commun où l’on inflige logiquement de lourdes amendes à ceux qui ont tiré un bénéfice des infractions. »

Surveiller et armer : le « côté sombre » des Big Tech

Sans surprise, les sociétés de fabricants d’armes et de technologies militaires sont les premières bénéficiaires de la guerre menée en Israël. Dans le business de l’élimination, le rapport souligne l’importance du rôle des deux leaders de l’armement israéliens : Elbit Systems (semi-public) et la compagnie nationale Israel Aerospace Industries (IAI), qui continuent de multiplier les contrats avec le ministère israélien de la défense.

Le rapport rappelle également les affaires de l’entreprise états-unienne Lockheed Martin (...)

Le nom de l’armateur danois A.P Møller-Mærsk ressort également pour son rôle dans l’acheminement des pièces de F-35 vers Israël. Depuis le 7-Octobre, le logisticien fait régulièrement l’objet de manifestations citoyennes lorsque ses navires sont suspectés de transporter du matériel militaire.

Francesca Albanese fait aussi état du « côté sombre » des Big Tech américains, qui trouvent dans la répression des Palestinien·nes « un terrain unique pour tester la technologie militaire ». Alex Karp, le directeur général de Palantir Technologies, société spécialisée dans l’analyse de données sensibles, ne s’en était pas caché. En mai 2025, il avait répondu à un activiste accusant sa technologie de tuer des Palestinien·nes : « C’est vrai, ce sont des terroristes pour la plupart. »

Le rapport pointe aussi la responsabilité d’IBM dans le développement de la base de données de l’agence chargée de la gestion de l’état civil et de l’immigration, contribuant à la « politique de discrimination d’Israël ». Quant à Microsoft, Alphabet et Amazon, ces trois géants ont formé un consortium, « Project Nimbus », qui fournit au gouvernement israélien des technologies de stockage ou encore d’intelligence artificielle. (...)

Les fonds et banques internationales en renfort

Le rapport de Francesca Albanese fait une place particulière à la haute finance privée : ceux qui injectent leur fonds dans les sociétés partenaires de la guerre d’Israël, tout comme ceux qui financent directement le budget de l’État, sont classés comme des « facilitateurs » (« enablers »). Parmi eux, les fonds BlackRock et Vanguard, qui apparaissent comme les investisseurs les plus importants des sociétés d’armement, « pivot dans l’arsenal du génocide d’Israël », selon le rapport.

Deux entreprises françaises sont épinglées pour leurs investissements : l’assureur Axa et BNP Paribas. (...)