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Les médias face à la manif’ « révolution fiscale » : beaucoup de bruit sur (presque) rien
Article mis en ligne le 9 décembre 2013

Ainsi, le 1er décembre 2013, le Front de gauche appelait à une « marche pour une révolution fiscale, la taxation du capital et l’annulation de la TVA ». Comme d’habitude, comme lorsque les agents de la SNCF sont en grève par exemple, la plupart des grands médias ignorèrent les motifs et les objectifs de cette marche, ne retenant, sans beaucoup d’explications, que l’annulation de la hausse de la TVA. Mais à la différence d’une grève de SNCF, pas d’images à la télé des « usagers pris en otage ». Alors que faire ?

(...) « Mise en scène » ?

Mais le clou de la soirée – qui se poursuivit le lendemain – fut la découverte d’une mise en scène.

Rappel des faits : à 13h03, le dimanche, soit une demi-heure avant le départ officiel de la manifestation, Jean-Luc Mélenchon est interviewé en direct par Claire Chazal dans son journal télévisé. Derrière lui, cadré en plan serré, des militants sont regroupés avec une banderole et des drapeaux. L’image pourrait laisser croire que Jean-Luc Mélenchon se trouve devant la foule prête à partir ; or une photo, prise par un journaliste collaborateur de France 24 (notamment) depuis son balcon, montre qu’en fait de foule, il n’y a qu’une poignée de personnes derrière le co-président du Parti de gauche.

Le Parisien par exemple relate ainsi ce qu’on lira et entendra partout ailleurs (...)

L’occasion est trop belle : l’image est aussitôt reprise par plusieurs militants et sites de droite, puis des journalistes, comme si elle parlait d’elle-même. Et pourtant…

Stefan de Vries était en congé : on peut, à la rigueur, comprendre qu’il ne soit pas descendu de son balcon pour interroger TF1 et les manifestants sur les faits eux-mêmes et leur contexte. Mais qu’est-ce qui l’autorisait dès lors non à constater une mise en scène, comme il en existe tant, mais à la dénoncer ? Et surtout, les collègues en exercice de Stefan de Vries, se sont eux aussi privés, mais sans le moindre alibi, de respecter les B-A BA du journalisme : vérifier, recouper, contextualiser, pour savoir ce qui s’est réellement passé et pour quelles raisons. Aucune vérification, aucun recoupement, aucune contextualisation. Le CSA, si féru de déontologie va-t-il se pencher sur tant de désinvolture ? Que nenni : non seulement il n’a en charge que l’audiovisuel, mais ne s’intéresse guère à de si futiles questions.

C’est sans doute pour avoir cru, elle aussi, que les images parlent d’elles-mêmes, que Claire Chazal, voyant les images sur son écran de contrôle, n’a pas pu s’empêcher de les commenter en parlant de manifestants qui « se massent » derrière Mélenchon. Son interprétation qui faisait ainsi « parler » les images fut attribuée à une volonté de Mélenchon de mettre en scène une manifestation « massive »,… alors que celle-ci n’avait pas commencé !

Bienheureux les journalistes qui ont fait mine de découvrir que les meetings publics et les manifestations donnent lieu à des mises en scène, préparés par les organisateurs et/ou les médias eux-mêmes. (...)

quand les meetings pré-électoraux sont filmés par des équipes de tournage des candidats eux-mêmes, les chaînes se bornant à signaler la source lors de leur diffusion, on entend peu de cris d’indignation des responsables des télévisions.

Mais, avec la mise en forme de l’interview de Mélenchon, l’occasion était trop belle : n’écoutant que leur cœur, certains ont gaiement emprunté les raccourcis, en faisant de l’image-qui-parle-toute-seule une preuve de l’échec de la manifestation.
(...)
Mercredi encore, et bien que la réalité se soit révélée, comme nous le verrons, beaucoup moins accommodante qu’ils le voulaient, les sites d’extrême droite ne démordaient pas de leur fantasme, Valeurs actuelles publiant par exemple un article dans lequel on lisait : « Mélenchon annonce 100 000 personnes, la police en recense 7 000. C’est compter sans le cliché pris par un journaliste néerlandais de France 24, témoin de la scène depuis son balcon, qui révèle une tout autre réalité : la foule entourant Mélenchon n’est composée que d’une vingtaine de personnes astucieusement massées derrière lui »

La palme de l’indignation (amusée, il est vrai) revient sans doute au « Petit journal » de Canal Plus dont les propres « bidonnages » sont une spécialité et qui crut bon de s’extasier devant la mise en scène effectuée par TF1 avec la complicité des manifestants du Front de gauche ou par des manifestants du Front de gauche avec la complicité de TF1.

Le comble du ridicule revient au CSA, cet organisme croupion et fantoche, qui, se piquant de déontologie (ce qui ne devrait pas être son rôle), a décidé de se saisir de « l’affaire ». La semaine dernière, il a déjà mis TF1e en demeure après que celle-ci a, « maladroitement » selon elle, décalé de quatre secondes le son de huées accueillant François Hollande lors d’un déplacement. (...)

Un « coup monté » ?

Il aura fallu attendre mardi après-midi pour avoir quelque chose qui ressemble au fin mot de l’histoire : Jean-Luc Mélenchon a alors expliqué sur son blog ([« le coup monté >http://www.jean-luc-melenchon.fr/20...]) dans quelles conditions ces images ont été produites.

Quelle manipulation, dit-il, puisque le Parti de gauche (avec son accord) a lui-même posté sur Twitter cette image où l’on voit assez distinctement que le boulevard est vide ?