
La République islamique d’Iran a assis son pouvoir sur l’effacement des traces de ses crimes, notamment à l’égard des opposants politiques. Dans son film, à voir sur Mediapart, l’anthropologue Chowra Makaremi, dont la mère a été emprisonnée et assassinée par les mollahs, part en quête de celles et ceux qui peuvent témoigner, contre le silence imposé.
(...) Que reste-t-il des disparu·es, des prisonniers et prisonnières politiques exécuté·es en Iran ? De celles et ceux dont le régime s’est ingénié à effacer la mémoire, interdisant jusqu’à l’évocation de leur souvenir, rasant et goudronnant jusqu’à leurs tombes ?
En 1981, Fatemeh Zarei est arrêtée. La mère de l’anthropologue Chowra Makaremi est alors candidate aux législatives, pour les Moudjahidine du peuple. Elle passe sept ans en prison avant d’être exécutée en 1988, au cours d’un massacre de milliers d’opposant·es au régime des mollahs.
De Fatemeh Zarei, que reste-t-il ? Dans son film Hitch, une histoire iranienne, Chowra Makaremi, qui avait 8 mois quand sa mère a été jetée en prison, part en quête des traces qui subsistent malgré l’acharnement du régime à effacer les mémoires. Elle repart en Iran pour retrouver les témoins de cette époque, affronter les silences imposés dans « ce pays dont [elle] ne peu[t] pas supporter les trous de mémoire ».
« De son visage je n’ai plus de souvenir », explique la réalisatrice en filmant une courette bétonnée en Iran. Elle qui a rendu visite, enfant, à sa mère durant plusieurs années en prison se souvient des parloirs, de la cour de la prison, mais plus de son visage. Celui qu’aucune photo, coupure de presse, ne peut rendre.
Comment le lui redonner ? Faire parler sa grand-mère en train de cuisiner et qui soudain s’interrompt par peur de dire le mot de trop, celui qui renverrait tout le monde en prison, puisque la dictature règne encore, implacable, sur l’Iran ? (...)
Un tel héritage oblige… mais à quoi ? Un dialogue sensible s’élabore entre la réalisatrice, son père et son frère autour de la manière d’honorer au mieux cet écrasant passé. (...)
Le film Hitch, une histoire iranienne, qui mêle images d’archives, entretiens, déambulation en Iran, est à cet égard tout sauf un mausolée, cet imposant monument funéraire des puissants. Il est bien plutôt une réflexion sensible sur la transmission souterraine des luttes.