
À Jérusalem, aux États-Unis, en Allemagne des professeurs sont licenciés et des étudiants sanctionnés pour s’être exprimés sur la guerre à Gaza. La liberté académique n’est pas un luxe de tour d’ivoire ; elle est une pierre angulaire de la vie démocratique. Prenons la parole non seulement pour nous-mêmes, mais pour un espace public plus juste et honnête.
À Jérusalem, une professeure a été emmenée menottée pour avoir critiqué la guerre que son gouvernement mène à Gaza. Aux États-Unis, deux présidentes d’université ont dû démissionner sous la pression de donateurs opposés aux manifestations pro-palestiniennes. En Allemagne, une chaire de professeur invité a été annulée après qu’une universitaire juive américaine a signé une lettre appelant à un cessez-le-feu. Dans ces trois contextes nationaux — Israël, les États-Unis et l’Allemagne — un nouveau maccarthysme vise les universitaires critiques de la politique israélienne.
Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 et la guerre menée par Israël à Gaza, les universitaires critiques d’Israël font face à une répression grandissante. Dans ces trois pays, le simple fait de réclamer un cessez-le-feu ou de témoigner de la compassion pour les civils palestiniens peut entraîner des représailles professionnelles, des menaces judiciaires, l’opprobre public, la censure, des menaces d’expulsion — voire l’emprisonnement.
Nous sommes deux universitaires israéliennes, l’une en Israël, l’autre aux États-Unis, cette dernière en lien étroit avec le monde académique allemand. Les États-Unis et l’Allemagne apportent un soutien politique et militaire constant à Israël, mais celles et ceux qui remettent en cause ce soutien paient un prix élevé. Les accusations d’antisémitisme, de haine ou de trahison ciblent aussi bien des chercheurs juifs qu’arabes, mais frappent plus durement encore les Palestiniens, les musulmans, les voix minoritaires.
À Harvard et à l’Université de Pennsylvanie, Claudine Gay et Liz Magill ont dû démissionner sous la pression politique et financière, accusées d’avoir été trop indulgentes envers des manifestations pro-palestiniennes. Des professeurs ont été licenciés, et des étudiants internationaux ainsi qu’un universitaire ont été menacés d’expulsion pour leurs prises de position pro-palestiniennes. De plus, la définition de l’IHRA de l’antisémitisme, adoptée dans nombre d’universités, confond critique d’Israël et antisémitisme, en particulier lorsqu’elle assimile l’antisionisme à de la haine et de la violence. Le climat sur les campus s’est glacé : des enseignants sont surveillés, réprimandés ou sanctionnés pour leurs recherches ou leurs enseignements critiques portant sur Israël ou la Palestine, des étudiants s’autocensurent – le silence s’installe.
En Allemagne, où la lutte contre l’antisémitisme est une priorité nationale, cet engagement est instrumentalisé pour étouffer la critique d’Israël. L’histoire de la Shoah, la culpabilité allemande et la notion de Staatsräson — qui fait du soutien à Israël un impératif moral et politique — sont invoquées pour délégitimer toute forme de solidarité avec les Palestiniens. (...)
En Israël, toute voix critique est réprimée au nom de la sécurité nationale et de la loyauté envers l’État. Exprimer de la compassion pour les Palestiniens ou critiquer la guerre est perçu comme une trahison. Nadera Shalhoub-Kevorkian, universitaire palestinienne citoyenne d’Israël, a été arrêtée après avoir critiqué la guerre à Gaza – une première pour une universitaire israélienne. D’autres enseignants ont été suspendus ou licenciés pour avoir exprimé des positions pro-palestiniennes. De nouvelles ordonnances d’urgence promulguées après le 7 octobre restreignent encore la liberté d’expression, en assimilant la critique à l’incitation. La loi « Nakba » de 2011 autorise le gouvernement à réduire les subventions des institutions qui commémorent la catastrophe palestinienne de 1948. La frontière entre dissidence et criminalité s’efface.
La liberté académique n’est pas un luxe de tour d’ivoire ; elle est une pierre angulaire de la vie démocratique (...)
Message glaçant : certaines vérités doivent rester cachées.
Paradoxalement, l’acharnement de cette répression prouve l’importance de nos idées : si elles étaient insignifiantes, nul ne chercherait autant à les faire taire.
Universitaires, étudiants, artistes : faisons front commun et refusons l’intimidation. Exigeons le droit de questionner et de nous exprimer sans crainte. Le nouveau maccarthysme ne réussira que si nous laissons la peur l’emporter ; il échouera si nous répondons par une solidarité internationale.
Aujourd’hui, l’universitaire est visé — comme le sont journalistes, avocats, artistes et toutes celles et ceux qui osent penser, créer ou témoigner. Prenons la parole non seulement pour nous-mêmes, mais pour un espace public plus juste et honnête. Quand nous parlons d’une seule voix, nous faisons plus que résister – nous élargissons le champ du possible. (...)
Amnesty International
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