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Artificialisation des sols, spéculation foncière : quelles alternatives aux dérives du solaire industriel ?
Article mis en ligne le 19 juin 2019

2000 hectares de terres agricoles et de forêts bientôt recouverts de panneaux solaires en Lot-et-Garonne, 400 hectares de causses dans l’Hérault... Des citoyens alertent sur les dérives de ces méga-centrales, et appellent à recouvrir en priorité les toits et surfaces déjà artificialisées plutôt que de s’en prendre au vivant. L’utilisation de sites déjà bétonnés comme les parkings ou les entrepôts permettrait déjà de multiplier par cinq la puissance solaire actuelle. Sur le terrain, des habitants et des collectivités multiplient la création de centrales photovoltaïques coopératives. Développer les renouvelables tout en limitant les conflits d’usage, c’est possible !

Dans le sud du Larzac, la colère gronde. 30 000 panneaux photovoltaïques pourraient recouvrir 400 hectares de causses, de maquis, et de prairies arides, soit l’équivalent de 570 stades de foot ! La société française Arkolia Énergies envisage d’implanter cette immense centrale sur un terrain privé, le domaine de Calmels, réservé jusqu’ici à la chasse. « Pour le moment, c’est un lieu hostile à toute écologie, soutient Alain Viala, le maire de la commune du Cros. C’est un secteur de chasse où au moins trois fois par semaine, on tire 2000 cartouches par jour ! »

Ce n’est pas l’avis de Dominique Voillaume, une éleveuse d’ovins. « Ce qui semble à certains un désert de cailloux, représente en réalité une richesse pour le pastoralisme », explique t-elle. Sur les causses, le pâturage constitue en effet l’essentiel de la nourriture des troupeaux. Et façonne un paysage plus ouvert qui favoriserait une plus grande diversité animale et végétale [1]. (...)

« Développer les renouvelables est nécessaire, mais le faire n’importe où, n’importe comment, relève de l’aveuglement »

Le développement de méga-centrales solaires de ce type pourrait contribuer à la spéculation foncière en augmentant la valeur des terres agricoles, alerte l’association « Terres de Larzac, terres de biodiversité, terres de paysans ». « On ne peut pas rivaliser, en tant que paysans, avec des promoteurs qui proposent 1500 à 2000 euros l’hectare, », illustre Étienne Le Merre, militant de la Confédération paysanne, dans un contexte où les montants de fermage sont bien inférieurs sur le plateau du Larzac [2]. La crainte que Solarzac gèle l’installation d’éleveurs a notamment conduit la communauté de communes Lodévois et Larzac à voter une motion défavorable au projet, le 21 février dernier. (...)

Des associations environnementales comme France Nature Environnement (FNE) montent aussi au front. Elles considèrent que pour être réellement écologiques, les projets d’énergies renouvelables ne doivent en aucun cas aggraver l’artificialisation des espaces naturels et agricoles, d’autant plus lorsqu’ils abritent une biodiversité remarquable. En l’occurrence, le projet Solarzac est en plein cœur des Causses et Cévennes, patrimoine mondial de l’Unesco, et de quatre sites Natura 2000 – des zones de protection des habitats et des oiseaux. « (...)

2000 hectares de terres et forêts artificialisés en Lot-et-Garonne

Plus à l’ouest, un parc photovoltaïque cinq fois plus grand pourrait voir le jour d’ici quatre ans. Au total, 2000 hectares de panneaux couvriraient une partie du Lot-et-Garonne, en vue d’assouvir les besoins en électricité de 650 000 foyers, soit bien plus que ce que le département compte d’habitants. (...)

« C’est une manne financière tentante pour les territoires qui ont de moins en moins de ressources publiques, note Christian Crouzet, de la Confédération paysanne du Lot-et-Garonne. On doit cependant s’interroger d’abord sur les conséquences directes d’un projet qui s’installerait au détriment d’une dynamique agricole et forestière. »
« Une course à l’échalote des grandes entreprises, et un État qui laisse faire n’importe quoi »

Ce projet gigantesque va ainsi engendrer une pression foncière dans le reste du département et un fort impact sur la forêt, « parent pauvre à la chambre d’agriculture » dirigée par la Coordination rurale. (...)

Un potentiel considérable pour installer des panneaux solaires sans recouvrir des terres

N’existe-t-il pas d’autres solution pour produire de l’énergie solaire ? « Il nous semble important de couvrir en priorité les bâtiments plutôt que les terres agricoles ou les forêts », souligne Christian Crouzet, évoquant l’exemple de la ville de Toulouse qui vient d’installer des panneaux solaires sur le toit de son marché de gros, alimentant 800 foyers en électricité. Une position partagée par les opposants à Solarzac qui se disent favorables à l’implantation de panneaux photovoltaïques, mais pas n’importe où et en cohérence avec le territoire, comme sur des toitures, des parkings ou des surfaces déjà artificialisées. Une étude publiée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) le 24 mai, confirme que la France dispose d’un potentiel considérable pour installer des panneaux solaires, sur des emplacements peu susceptibles de susciter des contestations. (...)

De quoi multiplier par cinq la puissance solaire actuelle sans nuire aux territoires (...)

Miser sur l’équipement des toitures en panneaux solaires, c’est le pari des centrales villageoises qui essaiment dans l’Est de la France. Elles associent des habitants, collectivités et entreprises locales pour produire de l’énergie renouvelable de façon coopérative. Guy Rivoire fait partie du groupe à l’initiative de la centrale photovoltaïque villageoise en pays mornantais, dans le Rhône. « L’idée est de monter des panneaux photovoltaïques sur des habitations ou établissements publics pour se réapproprier l’énergie », explique t-il. Un premier appel à l’épargne citoyenne a rassemblé 142 000 euros. Créée en 2016, la structure compte aujourd’hui 283 sociétaires et a d’ores et déjà équipé 26 toits.