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2022, une année décisive : radicaliser le féminisme, transformer le Brésil
Article mis en ligne le 8 février 2022

Nalu Faria parle de la situation brésilienne, des élections présidentielles et de la campagne « Dégage Bolsonaro »

Cette année qui commence sera décisive pour les femmes et les mouvements populaires en général au Brésil. Une année de luttes, cruciale pour dire non au néolibéralisme, à l’autoritarisme, au négationnisme, et pour élaborer et affirmer à quoi ressemble le pays dans lequel nous voulons vivre.

Chaque jour et aussi lors des élections qui auront lieu en octobre, nous avons pour tâche de chasser l’extrême droite du pouvoir. La situation politique actuelle au Brésil trouve son origine dans le coup d’État contre le gouvernement de la présidente Dilma Rousseff (PT), qui s’est produit en 2016. Peu après le coup d’État, les politiques d’austérité néolibérales ont repris et les politiques du gouvernement précédent ont été démantelées. Des projets rétrogrades ont été approuvés, tels que l’amendement constitutionnel 95, qui a gelé les dépenses sociales pendant 20 ans, et la contre-réforme du travail.

Malgré le scénario d’une attaque idéologique permanente contre la gauche, Lula était le candidat préféré dans les sondages avant les élections de 2018. En avril de la même année, il a été arrêté arbitrairement, dans un processus de lawfare[1] qui l’a retenu en prison pendant 580 jours.

Au cours de ce conflit politique, les élites ont rejoint la campagne du candidat Jair Bolsonaro, de l’extrême droite. Sa campagne électorale était basée sur des fake news, mobilisant les valeurs conservatrices au nom de la famille et de la religion, et associant le communisme à la corruption. Il n’a pas participé à des débats publics, mais a diffusé son discours grâce à un réseau numérique de diffusion de mensonges et de peur, avec de nombreux robots et aussi beaucoup d’argent.

Le gouvernement Bolsonaro a poursuivi le processus de démantèlement des politiques publiques au service de la population. (...)

Le caractère génocidaire de son gouvernement était déjà visible dans sa position raciste et militariste, et s’est manifesté avec plus de force lors de la pandémie de covid-19, avec une position négationniste, des attaques contre les mesures d’isolement social, le boycott de l’achat de vaccins.

Le processus d’élection présidentielle qui aura lieu en octobre de cette année pourrait signifier la défaite du gouvernement d’extrême droite et néolibéral de Bolsonaro. La possibilité concrète de consolider un changement stratégique de direction politique au niveau gouvernemental est posée.

Face à cette contestation qui se place aujourd’hui dans notre société, il est essentiel d’élire un gouvernement guidé par un autre projet de pays. Un projet populaire, féministe et antiraciste, qui pour être mis en pratique doit être ancré en permanence dans les luttes et les organisations populaires. La candidature de Lula, du Parti des Travailleurs [Partido dos Trabalhadores], a aujourd’hui le soutien de cet ensemble de mouvements et de partis qui constituaient un large front de gauche dans la campagne Dégage Bolsonaro [Fora Bolsonaro].

Les mouvements s’organisent pour soutenir son élection, avec un large processus d’organisation populaire comme élément clé pour la construction de ce projet. (...)

Les femmes organisent la résistance

Pendant la période d’emprisonnement de Lula, les mouvements sociaux et les partis progressistes ont fermement maintenu la campagne pour sa liberté, avec des mobilisations dans tout le pays et une veille permanente devant le lieu où Lula a été emprisonné. Les femmes ont été très actives dans la lutte contre le coup d’État et dans la campagne pour la libération de Lula. Par la suite, ce processus a été lié à la construction d’un large front qui organise la campagne Dégage Bolsonaro et la lutte pour les politiques d’urgence, les vaccins et les soins de santé pendant la pandémie. (...)

Les femmes sont à l’avant-garde des luttes contre les sociétés transnationales, contre la guerre, les politiques néolibérales, la violence policière qui tue leurs enfants, le racisme et le génocide des peuples noirs et autochtones. Elles défendent l’autonomie sur leur corps, elles réclament une vie sans violence, elles sont en première ligne des luttes dans les communautés défendant leurs territoires, leur culture, leurs modes de vie. C’est une liste qui ne s’arrête pas, car les attaques sont nombreuses et pour toutes il y a résistance et renforcement de la force collective.

Les femmes sont également dans la production agroécologique, l’économie solidaire, les actions de solidarité, les cuisines collectives, l’accompagnement des victimes de violences, la socialisation des soins, la production d’une communication contre-hégémonique, la promotion de la récupération des pratiques culturelles et sanitaires. Une autre liste qui ne s’arrête pas et qui nous fait affirmer la centralité des femmes pour la durabilité de la vie.

Toute cette résistance coexiste avec la construction de réponses quotidiennes pour soutenir la vie. (...)

Ce n’est pas une réalité seulement brésilienne ou des Amériques, mais du monde entier. (...)

Une fois de plus, les femmes ont amorti dans leur corps les impacts de la crise, vivant des situations de stress, de tensions et de maladie mentale dans une dynamique de précarité de la vie – une dynamique où l’on travaille pour vivre, et l’on vit pour travailler. Et la réponse patriarcale ? Plus de violence, plus de féminicides, plus d’imposition du marché sur nos vies et nos corps. (...)

La campagne Dégage Bolsonaro articule un vaste champ politique et fait converger les expériences de nombreuses années de lutte commune impliquant des mouvements sociaux, des partis de gauche et diverses organisations de la société civile. La campagne a élaboré collectivement une proposition visant l’impeachment contre Jair Bolsonaro et a proposé un programme de mesures d’urgence pour faire face à la crise, nécessitant une aide d’urgence, la vaccination, la taxation des grandes fortunes, entre autres sujets. En même temps, elle a organisé une grande campagne de solidarité, avec collecte de matériel alimentaire et d’hygiène, des actions éducatives sur la pandémie et des cuisines collectives pour la distribution de repas. La dimension de solidarité a été travaillée non seulement comme une aide d’urgence, mais comme une valeur centrale pour nos propositions pour un autre modèle de société.

Dans cette trajectoire, nous avons accumulé une vision anti-systémique qui doit être approfondie pour définir des lignes directrices communes pour un projet populaire et démocratique pour le Brésil. Ce projet doit intégrer les aspirations de la classe ouvrière, la lutte antiraciste, féministe, écologique et pour la diversité sexuelle et de genre. Nous marchons avec la certitude que nous ne sommes pas seules et que notre vision internationaliste nourrit notre position anticolonialiste et anti-impérialiste et nos idéaux socialistes, démocratiques et libertaires. (...)

Nous, de la Marche Mondiale des Femmes, nous ferons écho à nos voix car « nous résistons pour vivre, nous marchons pour transformer » ! Nous voulons construire de grandes mobilisations le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes. C’est le sens de cette date : marquer des combats articulés et simultanés à travers le monde. Nous espérons que, cette année, le 8 mars sera la marque de notre avancée pour vaincre le néolibéralisme. Que cette mobilisation grandisse et devienne un processus de changement incontournable.