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24 heures avec Amadou : le quotidien d’un enfant à la rue
Article mis en ligne le 25 février 2021

A Paris, l’association Utopia56 essaye chaque nuit de reloger des mineurs isolés. De l’attente à la chambre d’hôtel, en passant par les transports et les repas, nous avons suivi Amadou pendant 24 heures. Ce mineur âgé de 15 ans est arrivé en France il y a moins d’un mois, depuis son Sénégal natal.

18 heures : Amadou est assis sur un banc près de l’Hôtel-de-Ville (1er arrondissement)

Même si c’est un grand gaillard, les traits de son visage harassé et son regard d’agneau rappellent qu’il est mineur. Ce vendredi 20 février, quand nous le rencontrons pour la première fois, Amadou se rend pour la troisième fois sur le parvis de l’Hôtel-de-Ville, en espérant passer la nuit à l’abri. Car depuis son arrivée en France, Amadou est sans domicile.

Épuisé, sans repère, et tenaillé par le froid hivernal, Amadou se met à errer dans la « ville lumière », jour et nuit. Une femme l’envoie à Créteil (95) afin d’être pris en charge par France Terre d’Asile (association de soutien aux demandeurs d’asile). Mais sans statut juridique, Amadou reste sans domicile. Jusqu’à ce qu’il entende parler de l’action de relogement d’Utopia56. (...)

22 heures : Amadou se rend à l’Hôtel de la Paix (18ème arrondissement)

Les bénévoles lui ont trouvé une place pour dormir. Amadou acquiesce, sans réaction. Il repart comme il est arrivé : avec son sac à dos, contenant toutes ses affaires : des vêtements, une brosse à dent, du gel douche et quelques sachets de thé et de café.

Dans un hôtel nord parisien (18ème arrondissement), il partage une chambre vétuste avec un autre jeune exilé. Il en profite pour laver quelques affaires au lavabo.

Puis, il s’affale sur son lit. Amadou regarde sur son téléphone le dessin animé “Avatar, le dernier maître de l’air”. Captivé par les images, il s’évade. Des rires enfantins s’échappent même de sa bouche. Mais, au moment de s’endormir, les souvenirs traumatisants de la traversée de la Méditerranée en Zodiac (canot pneumatique) refont surface.

Aux alentours de 9 heures, Amadou se réveille

Quand il ouvre les yeux, Amadou est inquiet. « Comment va se passer la journée ? Est-ce que je vais manger ? Est-ce que je vais avoir des problèmes avec la police ?… ».

Ces peurs, ce sont ses premières pensées de la journée. (...)

Il se fond dans la masse, en évitant les contrôleurs. Et pourtant, certaines associations lui donnent des tickets de transport pour se déplacer et aller manger à l’autre bout de la ville.

Mais, il décide de les revendre. Une économie souterraine qui lui permet de gagner quelques pièces. Agrippé à la barre métallique de la rame, Amadou ressasse le passé :

« Je voulais aller à l’école, je voulais devenir quelqu’un ». (...) (...)

Mais son beau-père en a décidé autrement, préférant lui donner des coups plutôt qu’une éducation. Un jour, il est allé plus loin dans la violence en le frappant gravement au visage. Et lorsqu’Amadou enlève son masque chirurgical, son incisive manquante le confirme.

Son oncle l’a pris sous son aile et, ensemble, ils ont quitté le Sénégal.

Ils ont traversé la Mauritanie, puis le Maroc. Son oncle est resté là-bas, mais a décidé d’envoyer Amadou en Europe, dans l’espoir d’un avenir meilleur. Amadou a été forcé de traverser la Méditerranée à bord d’un canot pneumatique, menacé avec des couteaux. Il a eu très peur et en reste traumatisé. (...)

Il attend son rendez-vous, le 1er mars prochain, qui déterminera ou non sa minorité, pour lui permettre d’être pris en charge par l’État. Il nous confie son appréhension : « Les gens de là-haut peuvent dire que tu as inventé un scénario, alors que c’est ta vie. Ça fait mal », raconte-t-il. (...)

« En France il n’y a pas de présomption de minorité. Seulement 30% des jeunes migrants sont acceptés, le reste est à la rue », se désole Sylvie Brugnon, bénévole. (...)

Dans la rue, il aide les personnes âgées ou en difficulté à porter leurs sacs, en refusant leur monnaie. Auprès de ses compères en exil, il partage toujours sa nourriture. Plus tard, Amadou rêve de devenir pompier, pour aider les autres. (...)

18 heures : Amadou est de retour à l’Hôtel-de-Ville

Attendre sur le parvis de l’Hôtel-de-Ville en espérant passer la nuit à l’abri. C’est désormais la routine d’Amadou. Mais ce soir-là, Utopia56 ne lui a trouvé aucune chambre disponible.

Il a passé la nuit dehors, dans une tente, près de gare de l’Est.

Au loin, la voix monocorde de la SNCF répétant en boucle : « Vous êtes à Paris, bienvenue ».