
À partir du 24 février et pendant quatre mois, Joël Le Scouarnec comparaît devant la cour criminelle du Morbihan pour viols et agressions sexuelles aggravés sur 299 ex-patients, en majorité mineurs. Des actes que le chirurgien a méticuleusement consignés pendant trois décennies dans des journaux intimes, à l’abri des regards.
299 noms. 299 fichiers informatiques, rattachés à des descriptions insoutenables de violences sexuelles. 299 jeunes hommes et femmes, en majorité mineurs au moment des faits, qui ont subi des abus sexuels de leur médecin alors qu’ils étaient hospitalisés. 299 victimes d’un seul homme : Joël Le Scouarnec.
Le procès de cette affaire hors norme, considérée comme le plus gros dossier de pédocriminalité jamais jugé en France, s’ouvre lundi 24 février à la cour criminelle du Morbihan, à Vannes, pour une durée prévue de quatre mois. L’épilogue, espèrent les victimes, d’une affaire passée sous silence pendant près de 30 ans.
Diplômé de médecine en 1981, Joël Le Scouarnec est un ancien chirurgien digestif et viscéral. Aujourd’hui âgé de 74 ans, il a exercé dans une douzaine d’établissements de l’Ouest de la France, répartis dans huit départements, laissant derrière lui des centaines d’accusations d’abus sur ses anciens patients. Au total, il sera jugé pour 111 viols et 189 agressions sexuelles, aggravés par le fait qu’il abusait de sa fonction de médecin et qu’il visait souvent des moins de 15 ans.
Déjà condamné à quinze ans de réclusion criminelle en 2020 pour des agressions sexuelles et viols commis sur deux nièces, une patiente et sa voisine, il encourt cette fois vingt ans de réclusion criminelle.
Plainte d’une voisine, première victime connue (...)
Qui savait ?
Parmi les nombreuses questions qui agiteront le procès lundi, une occupera certainement particulièrement les débats : qui savait ? Qui aurait pu deviner ?
Si pendant plus de 30 ans, Joël Le Scouarnec a semblé parvenir à cacher son jeu, ce dernier assure que son ex-femme, dont le chirurgien s’est séparé au début des années 2000, était au courant depuis 1996. Ce qu’elle nie. Un cataclysme s’est abattu sur moi", écrit-il cette année-là dans ses carnets, "ELLE SAIT."
"Je n’étais pas au courant de ses penchants", confie-t-elle de son côté au journal Ouest-France. "C’est docteur Jekyll et mister Hyde. Je me suis demandé comment j’avais pu ne pas m’apercevoir de quoi que ce soit. C’est une trahison terrible qu’il nous a faite à moi et à mes enfants."
Il y a aussi sa sœur, à qui l’une des ses filles raconte les agressions de "tonton Joël". En 1999, l’une de ses deux enfants lui avait par ailleurs confirmé qu’elle et sa sœur avaient bien été victimes de leur oncle. Aucune plainte n’avait été déposée.
"Prévenez-moi quand vous venez me voir, disait-il à ses enfants comme à moi. Ensuite, quand j’arrivais chez lui, j’imagine que tout était bien rangé", raconte au Parisien Christian, l’un des rares à être resté l’ami de l’ex-chirurgien.
Même dans les différents hôpitaux où il a exercé, la plupart de ses anciens collègues décrivent un homme "discret", "effacé" et un praticien "compétent". Ce n’est ainsi qu’en 2017, à la plainte de la petite voisine, que Joël Le Scouarnec est radié de l’Ordre des médecins. (...)
"Combien de personnes savaient qu’il était pédophile et l’ont laissé exercer au contact de mineurs ?", s’insurge une victime, sous anonymat. "Ils savaient et n’ont rien fait. Je veux qu’ils soient jugés."
L’association "La Voix de l’Enfant" a déposé une plainte en ce sens, pour "mise en danger d’autrui", a indiqué à l’AFP son avocat Frédéric Benoist, dénonçant "un échec collectif". L’association "Face à l’inceste" a également déposé plainte, accusant les autorités d’"inaction".