
Il faut que l’on prenne tous conscience de la gravité de la situation. Le 13 février, un chômeur s’est donné la mort devant une agence Pôle emploi, parce qu’il arrivait en fin de droits. Tous les mois, il y a en moyenne 20.000 chômeurs de plus et 80.000 hommes et femmes qui ne sont plus comptés comme chômeurs mais qui, en fin de droits, tombent dans la pauvreté. Au total, ils sont 100.000 chaque mois à être directement frappés par la crise. Sans compter les conjoints et les enfants !
Le chômage gangrène tout. Ces lettres de licenciement, cette précarité ont des conséquences dramatiques sur des millions de familles, sur l’intégration des jeunes, qui sont plus fortement touchés. Le chômage pèse sur les banlieues, le financement des retraites (comment demander aux Français de travailler plus longtemps alors que 80% d’entre eux sont inactifs lorsqu’ils soldent leur retraite ?)…
La croissance ne reviendra pas
Cette crise sociale peut vite déboucher sur une crise politique majeure. On l’a vu en Italie. On l’a vu dimanche 24 mars avec la législative partielle dans l’Oise. Les peuples n’en peuvent plus de cette incapacité de leurs dirigeants face à l’augmentation constante du chômage.
Tous, citoyens, élus, syndicalistes, nous devons accepter de voir en face la gravité de la crise sociale. Nous devons nous laisser bousculer. Sortir de nos habitudes ! Cela fait 30 ans que nos dirigeants mettent des rustines pour éviter l’explosion, endiguer le chômage en attendant que la croissance revienne.
Miser sur le retour de la croissance est une stratégie suicidaire parce qu’elle sous-entend qu’il ne faut pas se creuser la tête pour inventer un nouveau modèle de développement : si la croissance revient, si la crise n’est qu’une parenthèse qui va bientôt se refermer, pas besoin de se creuser la tête pour inventer du neuf. Hélas (ou tant mieux !), la crise n’est pas une parenthèse. Il nous faut admettre que la croissance ne reviendra pas. Mais, bonne nouvelle, on peut construire des formes nouvelles de prospérité, de justice sociale et de convivialité sans croissance.
Avant même la crise des subprimes, cela faisait 30 ans que nous n’atteignions pas les 2,5% de croissance tant souhaités. (...)
Le problème n’est pas la politique menée par François Hollande ou Jean-Marc Ayrault. Comme le dit Edgar Morin, l’humanité risque une sortie de route. Nous devons construire une nouvelle société avant que l’ancienne ne s’effondre.
Nous sommes face à une crise historique et mondiale. (...)
S’il y a 400.000 chômeurs de plus et 1 million de nouveaux pauvres supplémentaires, si le FN devient le premier parti de France, je ne sais pas quelles seront les marges de manœuvre du gouvernement. Il est urgent de passer à l’action et de définir d’abord un plan d’action à la hauteur de la situation. (...)
– Si le budget de l’UE était financé par un impôt européen sur les dividendes, la France pourrait conserver les 20 milliards qu’elle donne chaque année pour le budget. C’est ce qu’a fait Roosevelt lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 1933 aux États-Unis. Pour mettre fin au tourisme fiscal des entreprises, il a instauré un impôt fédéral sur les bénéfices des entreprises.
– Il faut aussi lutter radicalement contre les paradis fiscaux. Chaque année, c’est 45 milliards qui manquent dans les caisses de l’État. (...)
– Pour éviter la récession et donner de l’oxygène à nos finances publiques et donc à toute l’économie, il est possible aussi de financer la dette publique avec des taux d’intérêt à 1%. La Banque centrale est capable de trouver 1000 milliards pour sauver les banques, mais quand il s’agit de 20 milliards de dettes de l’Espagne ou de l’Italie, les taux d’intérêt sont monstrueux.
Cette pratique du deux poids - deux mesures doit cesser immédiatement (...)
– la BCE peut prêter à la Banque européenne d’investissement qui prête aux États membres. On peut le faire la semaine prochaine. Et ça change tout pour toute l’Europe du Sud. (...)
– Si l’on ne peut pas compter sur les plans de relance pharaoniques (l’exemple du Japon a montré leur inutilité), il est néanmoins possible de relancer des secteurs d’activité utiles aux gens. Le secteur du logement est la priorité.
En France, il manque 800.000 logements. Pas étonnant que les prix pratiqués à la vente ou la location soient si élevés. (...)
Pourquoi ne pas s’inspirer des Pays-Bas où le fonds de réserve des retraites est utilisé pour financer des logements ? Au lieu de laisser ce fonds aux marchés financiers, comme c’est le cas en France, ce qui ne rapporte que 1,4% par an, mettons en place cette gestion immobilière par décret. Cela nous rapporterait 2,5% chaque année, puisque tous les mois des gens paieront leurs loyers. Cela pourrait créer 200.000 emplois et, à terme, cela ferait baisser les loyers. (...)
– Le partage actuel du travail est un non-sens : il y a d’un côté des millions de chômeurs, qui travaillent 0 heure, et de l’autre, des salariés à temps plein dont la durée réelle est revenue à 39 heures. Ce partage est stupide : soit on travaille plein pot – parfois trop –, soit on ne travaille pas du tout. (...)