Troisième comète interstellaire jamais détectée, 3I/Atlas traverse actuellement le système solaire. Les astronomes mobilisent une flotte de sondes et de télescopes pour percer les secrets de ce rare visiteur originaire d’outre-espace.
(...) 3I, car il s’agit du troisième objet interstellaire jamais découvert ; et Atlas, du nom du télescope qui l’a observé le premier. (...)
l’espoir d’élucider certains mystères de l’univers, parmi lesquels l’une des questions les plus fondamentales en astrophysique : les systèmes planétaires se forment-ils tous de la même manière ?
Le 1er juillet 2025, un des télescopes du système Asteroid Terrestrial-impact Last Alert System (ou Atlas) situé au Chili, chargé de donner l’alerte dans l’éventualité d’un impact imminent entre un astéroïde et la Terre, a pris quatre images d’un corps céleste qui, au lieu de tourner autour du Soleil, « traverse le système solaire presque en ligne droite », souligne Dominique Bockelée-Morvan, directrice de recherche CNRS au Lesia. Et pour cause : Atlas est un visiteur issu d’une autre étoile.
Sur un autre cliché pris quelques jours plus tard par le télescope Gemini North basé à Hawaï, Atlas apparaît comme nébuleuse. (...)
les astronomes ont pu déterminer la taille de son noyau solide : elle serait comprise entre 440 mètres et 5,6 kilomètres. (...)
Atlas aurait au moins 7,6 milliards d’années. Autrement dit, Atlas serait beaucoup plus vieille que n’importe quel objet qui peuple le système solaire, notre étoile ayant été formée il y a 4,6 milliards d’années. « C’est vraiment fantastique d’avoir accès à un objet aussi vieux, s’émerveille Matthew Hopkins. Puisque Atlas a été forgé dans un Univers plus jeune que celui dans lequel est né notre système solaire, sa composition devrait être différente des objets qu’on trouve autour du Soleil et refléter la composition du cosmos à cette époque. »
Outre l’âge, Matthew Hopkins a pu estimer à quelle distance du système solaire est originaire Atlas : environ 10 millions de milliards de kilomètres, soit environ 67 milliards de fois la distance Terre-Soleil. (...)
Une comète riche en CO2 (...)
La grande quantité de CO2 découverte au sein d’Atlas montre que la comète se serait formée loin de l’étoile qui trône au centre de son système planétaire d’origine. « S’il y a du CO2 dans la comète, c’est qu’elle s’est formée à la suite de l’agglomération de petits grains glacés enrichis en cette molécule, fait savoir Darryl Seligman. Il faut donc qu’Atlas soit issue d’une portion de son disque planétaire relativement froide donc éloignée de son étoile. Dans le système solaire, le CO2 gèle aux environs de Saturne. » (...)
Qu’Atlas se retrouve aujourd’hui dans notre voisinage tend à confirmer cette hypothèse : ayant été formée à la périphérie de son système solaire, elle aurait pu facilement en être éjectée. Ce qui intrigue les astronomes : « Est-ce que des objets de notre système solaire auraient pu, de la même façon, être expulsés et visiter d’autres systèmes planétaires ? », questionne Darryl Seligman. (...)
Si une population de comètes du type d’Atlas a existé dans le système solaire, elle pourrait avoir totalement disparu.
Cachée derrière le Soleil
Les données relevées par l’observation d’Atlas seront sans aucun doute au cœur de nombreux travaux de recherche dans les années à venir. Le 29 octobre, la comète sera au plus près du Soleil, à « seulement » 203 millions de kilomètres. À ce moment-là, son échauffement sera le plus intense et son dégazage maximal. L’occasion est donc parfaite pour accumuler plus de données. Mais il y un hic : depuis fin septembre, et jusqu’à début décembre, la comète, cachée par le Soleil, n’est plus visible depuis la Terre.
Pas question pour autant de laisser une occasion si rare s’échapper. Les agences spatiales américaine (Nasa) et européenne (ESA) ont donc décidé de détourner l’usage de certaines de leurs sondes spatiales, conçues pour analyser d’autres planètes, afin de continuer à observer la comète. Situées en différents endroits dans le système solaire, elles peuvent garder un œil sur Atlas, car elles sont toutes de l’autre côté du Soleil par rapport à la Terre. « Il y a tout de même une difficulté, car les sondes n’ont pas été conçues pour une telle observation, souligne Pierre Kervella, astronome à l’observatoire de Paris-PSL. Il y a pas mal d’improvisation, et c’est en partie ce qui est excitant ! » (...)
En mars 2026, Atlas passera au large de Jupiter puis quittera finalement notre système solaire. L’heure sera alors venue d’analyser la masse de données récoltées sur la comète pour essayer de mieux la comprendre.
L’échantillon d’objets interstellaires étant limité à trois représentants seulement, difficile d’en tirer des généralités. Mais avec l’entrée en service en juin 2025 de l’observatoire Vera-C.-Rubin, la donne pourrait changer dans les décennies suivantes. En effet, le télescope a été conçu pour repérer les phénomènes transitoires, comme le passage d’objets célestes, et pourrait donc découvrir d’autres comètes comme Atlas. (...)