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5 raisons ne de pas débattre publiquement avec l’extrême droite
Article mis en ligne le 12 juillet 2021

L’extrême-droite possède une tactique vieille comme l’extrême-droite : l’injonction au débat. C’est une arme extrêmement puissante qui joue sur nos valeurs progressistes pour les retourner contre nous.

Si on accepte, on a perdu car on leur donne une tribune. Si on refuse, ils érigent le débat comme la valeur suprême de la démocratie (ou plutôt font semblant, comme on va le voir). La démocratie vient donc d’être mise en péril par ce refus de débattre. Ils crient à la censure, jusqu’à ce qu’on finisse par accepter.

Par exemple : Booba et Jean Messiha. Booba était venu faire la promotion de son album. Il a accepté une séquence de débat avec quatre personnes avec pour règle : si, à un moment, tu ne veux plus débattre, tu appuies sur un bouton et on passe à la personne suivante.

Vient donc le moment où il se retrouve face à Jean Messiha pour débattre du sujet suivant : le rap est-il dangereux pour la jeunesse ?

Jean Messiha est une figure de l’extrême-droite. Il faisait partie du Rassemblement National, jusqu’à ce qu’il claque la porte parce que Marine Le Pen est, selon lui, trop indulgente avec l’Islam.

Jean Messiha commence donc en accusant Booba de racisme antifrançais. Booba appuie sur le bouton, signifiant la fin du débat.

S’ensuit alors une phase de négociation qu’on peut résumer ainsi :

- Tu veux pas parler avec lui ?
- Avec le Front National ? Mais POUR QUOI FAIRE ?
- Il veut parler de rap avec toi…
- Mais il écoute pas de rap !
- T’es sûr que tu veux pas discuter ?
- Mais il est du Front National !

Le débat s’est donc arrêté et Jean Messiha a crié partout “c’est ça la démocratie” ?

Oui. C’est ça, la démocratie.

Avant, ça nous paraissait évident. Rappelle-toi, Chirac en 2002 qui refuse de débattre avec Jean-Marie Le Pen au second tour. À cette époque, personne ne trouvait à y redire.

Mais les choses ont changé. Aujourd’hui on a désormais énormément de personnes qui se plaignent en disant que c’est un manque de respect et qu’il aurait fallu accepter le débat.

On va donc voir ensemble pourquoi, il ne faut quand même jamais débattre avec l’extrême-droite. Pourquoi il faut la laisser se plaindre de la censure sans bouger une oreille.

Attention, avant de commencer, il faut qu’on se mette d’accord : à chaque fois que je vais parler de “débat”, je vais parler de débat public. Débattre en privé avec l’extrême-droite ne comporte pas les mêmes dangers. Car, les dangers qu’on va étudier viennent exclusivement du fait que l’on tienne ce débat devant un public.

Deuxième précision : je pars du principe que je ne suis pas lu par des têtes d’affiche de parti (sinon coucou Jean-Luc ? Marine ? Manu ?). Mon propos serait un brin différent dans cette situation.

Principe #1 | L’extrême droite n’est ni inculte, ni stupide, ni méchante (...)

les valeurs et l’intelligence sont des variables globalement indépendantes. Il y a des gens de droite intelligents, des gens de droite bêtes, des gens de gauche intelligents et des gens de gauche bêtes.

De la même manière qu’on peut être extrêmement intelligent et vouloir une monarchie car ça s’accorde avec nos valeurs.
Il ne suffit donc pas de leur montrer qu’ils ont tort

L’extrême-droite n’a pas la science comme valeur. Bien au contraire. Par conséquent, leur montrer qu’ils ont scientifiquement tort n’a aucun impact sur eux.

Sinon, plus personne ne serait d’extrême-droite puisque toutes leurs thèses ont été invalidées par les sciences sociales.

C’est d’ailleurs pour ça qu’ils sont aussi virulents envers les universitaires (...)

C’est très perturbant pour les progressistes. Parce qu’une des valeurs du progressisme est de se reposer sur des études pour appuyer le changement qu’il veut emmener. Beaucoup de progressistes sont donc totalement démunis de voir que l’extrême-droite se fiche bien de la réalité scientifique.

Dire à quelqu’un d’extrême-droite qu’il a tort scientifiquement revient à dire à un platiste que la science a montré que la Terre est ronde. Ça glisse sur lui sans le moindre effet. Sinon il ne serait pas platiste.

Les gens d’extrême-droite ne le sont pas par accident. Je ne parle pas d’un ami à toi qui répèterait un délire d’extrême-droite sans faire exprès et que tu peux alors corriger. Je te parle des figures d’extrême-droite. Personne n’est une figure d’extrême-droite par accident ou ignorance. (...)

Les gens d’extrême-droite ne sont pas stupides

Ce serait si simple si le racisme était le fait de personnes stupides ou pas éduquées. Mais, si c’était le cas, on l’aurait déjà refoulé, comme on a refoulé l’illettrisme. (...)

L’extrême-droite comprend très bien qu’il suffit de passer son temps à lancer des accusations ou des trucs faux courts, sur un ton confiant. De manière à générer en face de longues justifications.

Quand la personne a fini de se dépêtrer on lance une autre accusation. Et ainsi de suite. (...)

La personne qui accuse, donne une impression de certitude. Celle qui se justifie donne l’impression d’être en faute. Or, le cerveau juge sur deux variables : la vérité et la posture. Malheureusement, ça veut dire qu’on peut gagner un débat en ayant tort. On peut même gagner un débat en disant très peu de mots. Juste en énervant l’autre pour dire qu’il a perdu ses nerfs.

Remarque : personne ne fait ça en privé. Parce que ça n’aurait aucun sens. On fait ça uniquement quand il y a un public à rallier. Déjà parce que dans la vraie vie, l’interlocuteur n’est pas bloqué, donc il peut beaucoup plus facilement s’en aller face à des accusations stériles. Ensuite parce que ça ne sert à rien si personne ne regarde.

Le débat public est donc une configuration très particulière. D’ailleurs, normalement, le simple fait de passer par un débat public suppose qu’on accepte que l’idée inverse n’est pas si stupide que ça.

On ne fait pas de débats publics pour savoir si 1+1=3, ou pour savoir si la Terre est ronde. (...)

Personne n’organise de débat “pour ou contre assassiner le président de la République”. Alors pourquoi on organise un débat “pour ou contre l’islamogauchisme” ? (...)

On ne débat pas de rap avec quelqu’un qui n’y connaît rien. De la même manière qu’on ne débattrait pas de la qualité des livres de Victor Hugo avec quelqu’un qui ne les a pas lu. Quelqu’un qui n’y connaît rien sur un sujet, soit on l’éduque, soit on l’ignore. Mais en aucun cas on n’organise un débat public.

Qui imaginerait un débat “pour ou contre le nouveau train d’atterrissage qui a été mis dans le dernier Airbus” avec des personnes qui n’y connaissent rien en aéronautique ? (...)

Principe #2| Comprendre les mécaniques d’audience (...)

Les personnes qui n’ont jamais eu d’audience, ont du mal à comprendre qu’il ne faut jamais répondre à un adversaire qui a une audience significativement inférieure à la sienne.

L’extrême-droite le sait pertinemment, mais elle feint de l’ignorer pour mieux se plaindre. Voilà un exemple : Tatiana Ventôse exige qu’Usul débatte avec elle. (...)
Mais elle refuse de débattre avec Le Bouseux. (...) Ici, l’argument est de dire qu’il ne faut pas donner de visibilité à ce troll.

Usul et le Bouseux sont pourtant des vidéastes de gauche radicale assez similaires. Alors, pourquoi une telle différence de traitement ? Facile : Usul a 125 000 abonnés sur Twitter, alors que Le Bouseux n’en a que 10 000. Tatiana, en a 40 000.

Elle comprend donc très bien que répondre au Bouseux lui donnerait énormément de visibilité. Alors, qu’à l’inverse, elle aimerait bien avoir la visibilité que donnerait un débat avec Usul.

Elle ne croit donc pas en ce principe du débat comme nécessité. Elle n’y croit que si elle y a un intérêt. (...)

On voit donc que fusionner les audiences par un débat est une manoeuvre suicidaire pour la personne qui a une audience beaucoup plus grosse.

Voilà pourquoi Marine Le Pen a refusé de débattre avec Mélenchon en 2012 dans une émission. À l’époque il avait beaucoup moins d’intentions de vote, qu’elle.

Pour la même raison, Sarkozy a refusé de débattre avec Le Pen en 2015, après l’échec relatif du Front National aux départementales, lui retirant temporairement la position de premier parti de France.

Ce principe des audiences est mal compris par le grand public, mais tout à fait intégré par les personnes qui ont des audiences. Même dans des champs qui n’ont rien à voir avec la politique (...)

Principe #3| L’extrême-droite n’est pas sincère quand elle appelle à la liberté d’expression ou à la démocratie

Si tu ne devais retenir qu’une chose : retiens ça. La libre expression et la démocratie ne sont pas des valeurs d’extrême-droite. Elle s’en contrefiche. En revanche, elle sait que ce sont des valeurs chères aux autres camps politiques.

Quand elle dit “on me refuse le débat, c’est pas démocratique !” elle nous parodie. Elle n’y croit pas un mot. C’est comme quand elle traite Rokhaya Diallo (militante antiraciste) de raciste, en jubilant.

Le racisme, habituellement, elle s’en fout. Mais elle sait que, nous, non. Donc elle retourne notre valeur contre nous, avec malice.

Pour m’amuser, j’ai tapé “Jean Messiha monarchie” dans Google. Je n’espérais pas grand chose, c’était une bouteille à la mer. Mais… j’ai obtenu un résultat au-delà de mes attentes :

“On a constaté que ceux qui ont incarné la France en la rapprochant le plus d’un régime monarchique, la France a été un grand pays et à chaque fois que ceux qui ont dirigé la France l’ont éloigné de ce modèle monarchique, et bien la France s’est perdue dans des divisions et a été déclassée”

Bingo. Il est favorable aux idées monarchiques. Il considère même que quand on s’éloigne d’un modèle monarchique on s’englue dans des divisions (le concept même de la démocratie). Quand il est avec des gens de son camp, il ne cache donc pas son mépris de la démocratie.

Il en va de même pour la liberté d’expression. Zemmour n’arrête pas de dire qu’on entrave sa liberté d’expression, mais quand un rappeur le met en cause, il intente un procès ! Procès qu’il a d’ailleurs perdu en appel.

Il suffit d’observer les pays où l’extrême-droite prend le pouvoir pour observer que c’est le camp politique qui déteste le plus la liberté d’expression. Poutine ou Orban ne sont pas connus pour leur amour du pluralisme.

Quand Assa Traoré est condamnée pour diffamation, ils jubilent. Quand c’est Marine Le Pen, ils s’insurgent. C’est un double standard.

L’extrême-droite est pour la liberté d’expression uniquement quand elle est marginale ou en conquête du pouvoir (...)

L’extrême-droite joue sur notre bienveillance. Bien sûr qu’une société saine a une pluralité des idées. Bien sûr que la dictature commence toujours par la censure. On a donc en permanence peur d’y tomber.

C’est notre kryptonite. Ça marche tellement bien que, même quand elle obtient la parole, l’extrême-droite continue à clamer partout qu’elle n’a pas la parole. Zemmour ne voit-il donc pas le paradoxe à clamer partout que ses idées n’ont pas la parole alors qu’il est à la télévision, dans les journaux et dans les librairies ? (...)

Bien sûr qu’il le voit. Mais il fait semblant. Ça peut paraître ridicule, mais ça ne l’est pas. C’est ridicule uniquement si on se place du point de vue de la recherche de la vérité. Mais l’important n’est pas d’avoir raison, l’important est de gagner. Or, cette stratégie est ultra-gagnante. Plus Zemmour crie qu’il est censuré et plus on lui offre des tribunes. Pourquoi arrêterait-il ?

Non seulement l’extrême-droite appelle à la liberté d’expression de manière hypocrite mais en plus elle a une conception du débat très loin de l’objectif démocratique. Pour, elle, le but du débat d’humilier l’adversaire. Une épreuve de force. Une question d’honneur. (...)

Principe #4| La loi de Brandolini (...)

certaines bêtise prennent vingt secondes à dire, mais des heures à réfuter. Par exemple, la phrase “le patriarcat n’existe pas car la plupart des personnes agressées physiquement sont des hommes” est très simple et rapide à dire. La première fois que j’ai entendu ça, je n’ai pas su quoi répondre. Je suis retourné chez moi et je suis tombé sur une vidéo d’une demi-heure qui réfutait cette phrase.

10 secondes pour le dire, 30 minutes pour le démonter. Terrible.

Voilà pourquoi l’extrême-droite est si redoutable en débat. Elle a une explication simple du monde. On peut parler de n’importe quoi : c’est la faute de l’Islam. Le concept du bouc émissaire est consubstantiel au logiciel de l’extrême-droite et il est super pratique.

Débattre avec l’extrême-droite c’est comme vouloir faire un match de boxe avec quelqu’un qui s’autorise l’utilisation d’un couteau. (...)

Le débat, comme la boxe, sous-entend qu’on est d’accord sur certaines règles. L’une d’elle étant de ne pas volontairement dire des bêtises. (...)

Principe #5| La fenêtre d’Overton

La fenêtre d’Overton est l’ensemble des propos acceptés en public par la société sur un sujet donné. (...)

On ne débat en public que des choses qui sont dans la fenêtre d’Overton. Sinon les téléspectateurs zapperaient immédiatement. Par exemple, si on faisait aujourd’hui un débat sur France 2 qui s’intitulerait “pour ou contre le mariage entre un Noir et une Blanche”… ça déclencherait un tollé.

On ne débat que des idées dont les deux réponses sont dans la fenêtre d’Overton. Par exemple, en 2017, il y avait autant de gens en France qui approuvaient la suppression de l’ISF, que de gens qui la désapprouvaient. On pouvait donc en débattre. Être pour cette suppression était un propos acceptable en public. Mais être contre également.

Pour être élu, un politicien est obligé de tenir des propos qui sont dans la fenêtre d’Overton. L’extrême-droite comprend donc qu’il lui faut d’abord déplacer la fenêtre dans son sens, pour espérer faire élire un des siens.

Voilà pourquoi il est si important d’imposer des thèmes. Quand Jean-Marie Le Pen a inventé le terme “racisme antiblanc”, il était hors de la fenêtre d’Overton. Le dire en public vous exposait à une condamnation immédiate. Quelques dizaines d’années plus tard et c’est désormais une idée à l’intérieur de la fenêtre d’Overton. On peut en débattre sur une grande chaîne.

Ce processus s’appelle “la normalisation”. Il est utilisé par tous les camps politiques. (...)

Voilà pourquoi en 2008, Obama et Clinton ont refusé de se prononcer en faveur du mariage homosexuel. (...) En revanche, en 2012, la fenêtre s’était déplacée et l’idée du mariage homosexuel était désormais majoritaire. Obama a donc, cette fois, fait des déclarations pour le défendre. (...)

De la même manière, Chirac en 1991 parlait de bruit et d’odeur en parlant de Noirs. Sous les applaudissements du public. Ce propos était controversé mais encore dans la fenêtre. Aujourd’hui, même Marine Le Pen ne s’y risquerait pas : c’est devenu un propos bien en dehors de la fenêtre.

Car, quand la fenêtre bouge, elle emporte tout avec elle : l’opinion, les lois, la culture… comme un tsunami. On ne peut pas continuer à interdire le mariage homosexuel quand l’immense majorité des français y est favorable et qu’une partie est prête à se battre pour. (...)

Voilà pourquoi l’extrême-droite veut être de tous les débats, même quand il s’agit de parler de rap. Parce que ça lui permet de déplacer la fenêtre d’Overton. De banaliser ses idées.

Quand Charlotte d’Ornellas dit qu’à Château rouge il y a une africanisation culturelle, elle essaie de déplacer la fenêtre. Elle sait qu’elle ne peut pas dire “africanisation” car on comprendrait trop facilement qu’elle veut dire “y’a trop de Noirs”. Alors elle rajoute “culturelle” et ça passe. Puis un jour elle dira juste “africanisation” pour tester. Et ainsi de suite. (...)

L’extrême-droite a vu avec horreur la fenêtre s’éloigner de plus en plus d’elle. Elle est donc en train de réagir. Depuis une dizaine d’années on assiste à une contre-offensive pour réhabiliter certaines de ses positions. (...)

(...) Le graal du graal étant qu’un membre d’un parti de gouvernement reprenne ses idées. Voilà pourquoi l’irruption du mot “islamogauchisme” dans le débat public, via une ministre est une aubaine inespérée.

Quand on est vraiment en dehors de la fenêtre d’Overton, il n’y a pas de mauvaise publicité. En effet, si 2% des français pensent que l’islamogauchisme existe, le simple fait de présenter le concept aux 98% restant suffit à faire exploser l’adhésion. Même si seuls 30% y adhèrent, on se retrouve avec une idée 15 fois plus acceptée que précédemment. (...)

Si un chroniqueur d’extrême-droite débat et introduit un concept que 99% des gens ignorent… même s’il subit une défaite à 60% pendant le débat… il a multiplié par 40 le nombre de personnes qui acceptent désormais le concept. C’est vraiment le jackpot.

Voilà pourquoi il est suicidaire de proposer une tribune à l’extrême-droite. Normalement, déplacer la fenêtre d’Overton demande des années de travail. Au début on est peu nombreux, dans l’espace privé à défendre une idée inacceptable. Puis petit à petit on rallie des personnes. Jusqu’à avoir une petite tribune, par exemple dans un club local. Puis, une petite chaîne YouTube. Jusqu’à un jour avoir l’idée exposée dans un média mainstream.

Mais si quelqu’un, pour une raison ou une autre, décide d’offrir une tribune mainstream à une idée marginale, il accélère drastiquement le processus. (...)

Pourquoi il est efficace de refuser le débat public voire même de les bannir de certains médias

Remarquez que, jusqu’ici, je n’ai parlé que de refuser le débat public. Ce qui invalide, en soi, l’argument du pluralisme et de la liberté d’expression. Les gens d’extrême-droite sont libres d’avoir leur petits espaces d’expression, sans qu’on soit obligé de leur offrir nos grands espaces, volontairement.

Manoeuvre que, d’ailleurs, eux ne ferait pas en retour. (...)

quand l’adversaire pleure on n’est pas censé lui donner ce qu’il demande. Au contraire, c’est le signe que notre combat fonctionne.

C’est très étrange de se dire “oh non…ils pleurent parce qu’on leur donne pas la parole. Il faut donc leur donner la parole”.

L’extrême-droite se plaindra qu’on lui refuse le débat, jusqu’à ce qu’on accepte. Mais si on accepte jamais…elle est dans l’impasse.

On a parlé du débat, donc. Parlons désormais du bannissement pur et simple. Cette fois ci, il ne s’agit plus de refuser nos tribunes à l’extrême-droite, mais bien de détruire ses propres espaces de communication.

Bien entendu, ce mouvement est réservé à la frange la plus extrême de l’extrême-droite. Au moment où j’écris, il serait totalement inacceptable de supprimer le compte Twitter de Marine Le Pen.

En revanche, des gens comme Dieudonné ou Alain Soral ont subi ces bannissements, avec succès. Car oui, le bannissement fonctionne. (...)

Milo Yiannopoulos disait que l’homosexualité est une « aberration » et un « choix de vie qui voue avec certitude les homosexuels à la souffrance et au malheur ». Il a été banni de YouTube. En privé, sur son compte Telegram (un équivalent de Whatsapp) il a écrit :

“J’ai perdu 4 millions de fans dans les derniers rounds de bannissements (…) J’ai passé des années à développer ma fanbase et ils l’ont détruite en un instant”

Il explique ensuite qu’il est impossible d’obtenir la même audience sur Telegram et Gab. Qu’en plus de ça, l’audience sur Telegram, ne lui achète rien et ne lui permet donc pas de vivre.

Que retenir de ces études de cas ? Le bannissement fonctionne. Principalement car il freine énormément le recrutement de nouveaux membres.

Il a un inconvénient majeur cependant : il est plus difficile pour les autorités de surveiller les mouvements d’extrême-droite une fois qu’ils sont sur une plateforme plus petite.

Mais, tout le reste est un avantage. De sorte que sur la balance coût/bénéfice, on penche clairement du côté bénéfice.

Il faut le garder à l’esprit. D’autant plus que pour certaines populations, cette manie de tendre des tribunes à l’extrême-droite a des conséquences néfastes très concrètes. En 2020 on estime que les actes islamophobes ont augmenté de 53%, en même temps que se multipliaient les débats avec des gens d’extrême-droite sur tous les grands plateaux télé. (...)

Conclusion

On devrait plutôt réfléchir à quels groupes d’extrême-droite il faut bannir ou dissoudre, plutôt que de passer notre temps à vouloir débattre avec les mouvements les plus “modérés” de l’extrême-droite.

Parce que c’est un piège dans lequel elle nous enferme avec malice. (...)

énormément de membres de l’extrême-droite sont, en privé, en faveur d’un rétablissement de la monarchie.

Elle retourne nos valeurs contre nous et nous la laissons faire.

J’aimerais finir avec le détournement ultime. La phrase “on peut rire de tout” de Desproges. Parfois on complète “on peut rire de tout mais pas avec tout le monde”. Sauf qu’on oublie de redonner le contexte de ce “tout le monde”.

Une des premières fois où Desproges a prononcé cette phrase, c’était face à Jean-Marie Le Pen (encore lui). En 1982, il fait face à l’homme politique dans une chronique de France Inter.

C’est une chronique de 5 minutes. Il y dit en substance qu’on peut rire de tout, mais pas avec l’extrême-droite. Ça ne s’invente pas. (...)