
La Ve rencontre internationale de l’« Économie des travailleur-se-s » s’est tenue fin juillet au Venezuela. Si elle marque un saut qualitatif et quantitatif important, ces rencontres doivent approfondir l’internationalisation d’un processus encore majoritairement latino-américain. Un effort tout particulier devra être fait dans les prochains mois sur la définition du concept d’Économie des travailleurs ainsi que de son rôle dans la perspective de la transformation sociale de l’économie. Des objectifs qu’une prochaine rencontre européenne devra mettre en œuvre.
La Ve rencontre internationale de l’« Économie des travailleur-se-s » s’est tenue du 22 au 25 juillet à Amuay, Los Teques, dans l’État de Falcón au Venezuela. Pendant quatre jours, près de 300 travailleur-se-s, militant-e-s, syndicalistes et chercheur-se-s, issu-e-s de 12 pays d’Amérique latine et du nord, d’Europe et d’Afrique et représentant 90 organisations diverses (dont les 2/3 vénézuéliennes), ont débattu et échangé sur leurs expériences concrètes, les perspectives de transformation sociale du point de vue des travailleur-se-s dans les contextes politique et économique locaux, régionaux et mondiaux marqués par le même modèle de domination capitaliste. Outre la présence significative de travailleur-se-s d’entreprises récupérées 1, ont également participé des représentant-e-s et délégué-e-s de coopératives de travail de différentes activités productives, de services et de consommation, des conseils de travailleur-se-s, des comunas et toute une diversité d’organisations et d’institutions engagés l’économie des travailleur-se-s. La délégation française était composée de cinq membres représentant l’Association Autogestion, la Fabrique du Sud, les Amis de la Fabrique du Sud et l’Union syndicale Solidaires. La Scop-TI (ex Fralib), qui avait accueilli la première rencontre européenne 2, n’a finalement pas pu être représentée pour des raisons liées au démarrage de la production dans son usine de Gémenos.
Des difficultés d’organisation surmontées dans un contexte de forte tension
Initialement prévue au sein de l’usine nationalisée VTELCA (Venezolana de telecomunicaciones) à Punto Fijo, le comité local d’organisation a dû trouver un autre lieu suite à un conflit concomitant avec la direction de l’entreprise et le Mouvement national du contrôle ouvrier (MNCO). Cette rencontre a été marquée par les difficultés économiques et politiques auxquelles est confronté le pays, mais aussi par les débats passionnés sur le soutien et/ou l’approfondissement du processus de transformation sociale. Elle s’est néanmoins déroulée dans de bonnes conditions matérielles grâce à la logistique mise en place par le groupe d’organisation local et l’accueil chaleureux et solidaire que ses membres ont su apporter aux délégations étrangères (...)
Une participation internationale moindre que prévue
La rencontre a réuni des participant-e-s d’Afrique du Sud, d’Argentine, du Brésil, du Chili, de Colombie, de l’État espagnol, des États-Unis, de France, d’Italie, du Mexique, d’Uruguay et du Venezuela. Pour des raisons diverses -économiques et difficultés d’accès par les transports aériens au Venezuela- des organisations d’Autriche, du Canada, de Grèce et de Turquie n’ont pas pu être représentées. (...)
Il y a eu quatre plénières et 14 ateliers qui ont fonctionné de manière simultanée au cours des journées de débat. Les tables rondes avaient pour thèmes :
- La crise du capitalisme global et latino-américain : analyses et réponses du point de vue de l’économie des travailleur-se-s ;
- La lutte de la classe ouvrière au Venezuela ;
- Les expériences internationales d’autogestion du travail ;
- Travail précaire, informel et servile : exclusion sociale ou reformulation des formes de travail dans le capitalisme global ? (...)
Cette Ve rencontre internationale marque incontestablement une avancée dans la constitution d’un mouvement centré sur le concept d’une économie des travailleurs. Si la présence d’une délégation européenne significative a constitué une nouveauté, cette rencontre est restée essentiellement latino-américaine tant dans sa composition que dans la faible prise en compte des langues étrangères.
Il devient essentiel d’approfondir ce processus par une meilleure définition du concept d’Économie des travailleurs notamment dans son périmètre. Si les entreprises récupérées constituent indiscutablement l’origine de ce mouvement, un débat doit s’ouvrir sur quelles coopératives peuvent raisonnablement s’en réclamer et sur la présence d’entreprises publiques « socialistes ». De même, l’intégration du monde paysan dans ce processus sera un chantier de longue haleine. Ceci doit dès maintenant être initié au niveau européen de façon à réussir les prochaines rencontres internationales dans un an.
Si les échanges que permettent ces rencontres sont un des aspects les plus riches de ce processus, il convient aussi de s’interroger sur le contenu programmatique des prochaines rencontres, notamment sur l’articulation des luttes syndicales avec ces multiples expériences d’appropriation comme élément de la transformation sociale de l’économie.