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7 péchés capitaux de la police lyonnaise. Police partout, médias nulle part
Article mis en ligne le 28 septembre 2021

Loin des règles du métier (vérification des faits et confrontation des sources), la presse paresseuse se contente de copier les discours institutionnels et de relayer les fake news préfectorales. Le « quatrième pouvoir », en panne, participe à l’impunité policière.

C’est une véritable faillite de l’appareil médiatique local. Le 7 mars 2020, pour l’acte 69 des Gilets jaunes, la police blesse gravement au moins 26 personnes en plein centre de Lyon. Le soir même, la presse locale et nationale titrera essentiellement sur les « 24 policiers blessés » et les commerces « saccagés par les black blocs ». La palme de l’indécence revient sans doute au Progrès qui, sur le coup de 19h, fait réagir les candidats aux municipales à propos de la « violence qui frappe nos commerces » (essentiellement des banques). Les pensées du journal (propriété du Crédit mutuel), comme celles des candidats, vont aux « familles des vitrines ».

« Pref quotidienne régionale »

A 19h donc, aucune mention du « carnage » dans Le Progrès. Les deux journalistes présents pour couvrir la manif mentionnent seulement deux blessés parmi les manifestant-es, au milieu d’un récit qui fait la part belle aux « dégradations » et autres commentaires préfectoraux sur Twitter. Ce n’est que plus tard dans la soirée que l’article sera mis à jour avec la mention de 20 blessés parmi les manifestant-es. Ce chiffre, repris d’une dépêche de l’AFP, cite une première estimation (basse) réalisée par le Comité le soir-même. Après avoir passé sous silence les faits, la « presse paresseuse » pourra (au mieux) renvoyer dos à dos les blessés des deux « camps », en n’oubliant pas de préciser que la préfecture n’admet, elle, que 3 manifestant-es blessé-es. Le hic, c’est que la préfecture a omis quelques précisions.

Fake news policières

Le Comité a pu se procurer un document policier : le « PV de contexte » de la manifestation. Seuls deux fonctionnaires sont annoncés comme blessés suite à des jets de projectiles entre 14h et 18h, durée de la manif. Puis, à partir de 18h30, chaque unité procède à de mystérieux « décomptes ». En une heure, 22 nouveaux blessés apparaissent sur le PV. (...)

Contrairement aux 26 blessures recensées par le Comité du côté des manifestant-es, aucune n’est grave. Mais peu importe : la com’ préfectorale a fait son chemin. Pour Nicolas Kaciaf, maître de conférences à Sciences Po Lille, ce type de situation peut renvoyer au « pouvoir de certains acteurs sur la production de l’information ». « Ce pouvoir se traduit par la capacité à faire dire aux journalistes ce qu’ils souhaitent, mais aussi dans la capacité à inhiber la publicisation de certaines informations », analyse ce spécialiste des médias.

Défaite des faits (...)

L’ampleur de la déroute journalistique du 7 mars est certes exceptionnelle. Mais la reprise du discours officiel sans vérification constitue malheureusement une habitude. (...)

Chroniqueur judiciaire ou policier-journaliste ?

Février 2021. Richard Schittly, journaliste vedette du Monde à Lyon, rend compte du procès des policiers poursuivis pour le tabassage d’Arthur, le 10 décembre 2019. Il reprend le chiffre préfectoral de « 22 policiers et 3 manifestants blessés », sans préciser qu’aucun des fonctionnaires n’ira aux urgences, contrairement aux trois manifestants. En dépit des images-preuves qui tournent en boucle sur la toile, le « journal de référence » présente Arthur comme une victime de violences policières « présumées ». (...)

Pourtant, même l’IGPN produit une version plus favorable à la victime. L’enquête conclut : alors que « la physionomie des lieux était plutôt calme », Arthur « avait dû contourner » les policiers. Au moment de son agression, il était en train d’ « applaudi[r] aux propos [d’]un syndicaliste ». Conclusion : ou Le Monde assume des partis-pris pro-police, ou il se préoccupe peu de la qualité des informations publiées par ses correspondants.