
Venus de toute l’Europe, un millier de syndicalistes et d’altermondialistes ont débattu, à Athènes, d’une stratégie commune pour s’opposer aux politiques d’austérité. Les défis sont considérables : comment offrir des perspectives concrètes aux populations confrontées à une réduction sans précédent de leurs niveaux de vie en Grèce, en Espagne ou au Portugal, tout en pesant sur les politiques européennes et en enrayant la progression de l’extrême droite partout sur le continent. Alors qu’en Grèce, le mouvement social est dans un état d’épuisement avancé après quatre ans de vaine lutte.
(...) « Rejeter l’austérité et revendiquer la démocratie réelle » : tels sont les deux mots d’ordre de cet Alter sommet. Avec l’objectif de dégager des pistes de propositions et d’actions communes face au pouvoir de la finance, au chômage, aux démantèlements des services publics, dont les systèmes de santé particulièrement visés, ou à la destruction de l’environnement. Et de partager des expériences collectives, de la lutte contre les expulsions de logement, assez efficace en Espagne, à la reprise en coopérative d’usines mises en faillite par leur propriétaire, ou aux expériences de démocraties participatives menées en Allemagne. Plusieurs grandes confédérations syndicales discutent ainsi d’un calendrier commun pour peser sur la Banque centrale européenne (BCE), symbole de la politique d’austérité, et les politiques de réduction des dettes. (...)
Un débat s’est invité parmi la quinzaine de tables-rondes : comment répondre à l’émergence, ou l’enracinement, des mouvements d’extrême droite. Des intervenants grecs, allemands, français, hongrois, tchèques se succèdent. De partout en Europe émerge la même inquiétude face à des droites extrêmes relookées ou à des partis clairement fascistes, qui surfent sur le « terreau fertile » de la crise et arrivent à se présenter comme « une alternative anti-système » avec parfois plus de succès que la gauche. (...)
« La criminalité néo-nazie augmente : agressions contre les étrangers, les Roms, les homosexuels. Et une partie de la population la tolère », détaille une militante grecque. Dans ce contexte, la mort du militant antifasciste Clément Méric, à Paris, tué le 5 juin par un skinhead néonazi, résonne de manière singulière. (...)
« Nulle part en Europe la gauche n’est en état d’affronter le danger. Nous sommes en très mauvaise posture », soupire Giorgos Mitralias, l’un des animateurs de la campagne pour un audit de la dette grecque. « Élus des partis de gauche et représentants syndicaux grecs ont beaucoup tendance à discuter mais oublient que, dehors, c’est la désintégration », critique une participante, pour qui, si l’extrême droite progresse, c’est aussi en raison de la faillite des organisations de gauche, syndicales comme politiques. Une question qui ne sera pas vraiment abordée dans les débats. (...)
Cela fait trente ans que l’on appelle à une Europe sociale sans entraîner les populations. Mais quelles sont les propositions ? », reconnaît Martine Billard, co-présidente du Parti de gauche, venue à Athènes en compagnie de Pierre Laurent, secrétaire national du PCF. « Faut-il sortir de l’euro ? Ou garder la monnaie commune mais transformer les institutions ? Comment refuser de rembourser une dette illégitime ? Si échanger entre Européens et faire le point sur ce qui émerge est positif, nous avons beaucoup plus de questions que de réponses. » (...)
La maigre participation grecque et la sous-représentation des nouvelles formes d’engagement révèlent les difficultés des organisations classiques à se renouveler et à mobiliser. L’Alter sommet, une énième rencontre sans grande utilité alors que le chaos gagne ? « Dans la situation déplorable où nous sommes et le sentiment d’abattement qui règne dans le monde syndical, ce n’est pas rien », positive une militante française. « Les mouvements traditionnels sont beaucoup plus humbles vis-à-vis des nouvelles formes d’actions. Ce qui n’était pas le cas avant, loin de là ! » (...)