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A Aubervilliers, un collectif invente un autre collège
Article mis en ligne le 1er septembre 2015

Une petite révolution est en cours dans l’Education nationale. A Aubervilliers, un collectif d’enseignants imagine un collège différent, dont le fonctionnement serait démocratisé, l’enseignement polytechnique, les décisions collectives... Un rêve dont ils espèrent convaincre l’institution de le concrétiser dans un nouvel établissement en 2017.

Tout a commencé par une grève : en 2010, à Aubervilliers, des suppressions de postes sont annoncées, alors que le nombre d’élèves augmente. Pendant deux mois, les profs des collèges du secteur protestent, se rencontrent, débattent. « On a discuté de l’école, de ce qui n’allait pas, se rappelle Isabelle Darras, professeure de lettres classiques. Puis on a appris que le département votait le budget pour construire un nouveau collège à Aubervilliers. » C’est le déclic : et si cet établissement à naître, dont les plans ne sont même pas encore dessinés, était justement l’occasion de repenser un collège différent ?

Au départ, ils sont quelques profs et un CPE (conseiller principal d’éducation), exerçant tous en zone « difficile ». Ils se réunissent dans un collectif, puis créent l’association pour un collège coopératif et polytechnique à Aubervilliers (A2CPA). Aujourd’hui, ils sont une dizaine de permanents, plus une trentaine de curieux réguliers. (...)

L’éducation nationale, usine à élèves ?

Trop d’élèves par classe, manque de moyens, direction parfois autiste. Tous sont insatisfaits des conditions dans lesquelles ils exercent leur métier. « On a plus l’impression d’être dans une logique d’usinage de l’éducation que dans un métier où on prend en compte l’humain. L’éducation nationale est basée sur un modèle très vertical où l’on applique des décisions sans avoir l’impression d’en être les auteurs », dénonce Vincent.

« Aujourd’hui dans le secondaire, les conditions ne sont pas créées pour que les professeurs travaillent en équipe. Or la transmission des savoirs est une affaire collective », observe André Sirota. Ce chercheur et professeur en psychologie à l’université Paris-Ouest, spécialiste de l’éducation, soutient activement le collectif.

Mais attention, avertit Séverine Labarre, professeure de lettres modernes, « on n’a pas pensé les choses en fonction de ce qu’on n’aime pas dans l’éducation nationale, on l’a construit en fonction de ce que l’on voudrait. » (...)

Révolutionner le collège

Le collectif se réunit toutes les deux semaines. Il fait du « tourisme pédagogique » dans les établissements appliquant des pédagogies alternatives, prend des journées entières pour réfléchir pendant les vacances scolaires.

Peu à peu, le projet se dessine. Emploi du temps, hiérarchie au sein de l’établissement, méthodes de travail en classe ou entre profs, tout est remis à plat. (...)

Remettre en cause le système de l’intérieur

Le projet a été plutôt bien accueilli. In extremis, et après accord de l’éducation nationale, le département, qui gère la construction, a invité le collectif à rencontrer les architectes du futur bâtiment. « On a pu obtenir l’organisation du collège en trois escaliers pour les trois maisons, des lavabos dans toutes les salles pour les ateliers, des tables déplaçables, etc. », se félicite Adeline. Ce n’est pas pour autant que leur projet est accepté. Le collège doit officiellement ouvrir ses portes en 2017, il y a le temps, mais le chemin au sein de la hiérarchie éducative est long. L’académie de Seine-Saint-Denis semble plutôt les soutenir. Au-dessus, le rectorat de Créteil demande encore à être convaincu.

Car ce projet de collège qui se veut « différent » est d’autant plus subversif qu’il veut s’intégrer au sein de l’éducation nationale. « Cela remet en cause le système de l’intérieur », note Adeline Besson. (...)

Une petite révolution que tous les membres du collectif ont déjà entamé au sein de leurs établissements. En français, Isabelle laisse régulièrement ses élèves choisir les textes. Vincent a tenté une classe sans notes. Séverine a introduit des conseils d’élèves dans ses classes. Et tous organisent désormais leurs réunions de profs à la manière des conseils coopératifs, pour réapprendre à travailler ensemble.