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A Colombes, un parking pourrait remplacer un projet écologique et social
Article mis en ligne le 24 septembre 2015

A Colombes, dans les Hauts de Seine, le béton remplacera-t-il un projet d’agriculture urbaine modèle ? C’est ce que craint un collectif d’habitants engagés dans ce projet où se mêle recyclage, maraichage, jardins partagés, toilettes sèches. Cet espace au pied des tours propose une autre perspective de la ville, plus démocratique et écologique, et suscité l’intérêt de municipalités comme Séoul ou Montréal. Qu’importe, la mairie lui préfère la construction d’un parking temporaire. Visite guidée par Patrick Laroche, citoyen indigné.

Un froid samedi, à Colombes, en région parisienne. Après la visite du recyclab, un fablab basé sur le recyclage, nous rejoignons, à quelques centaines de mètres de là, l’agrocité. Un bâtiment en bois de bardage, modulaire, monté sur pilotis, accueille les visiteurs. Au delà des espaces d’accueil et du bar-cuisine, on découvre une aire de maraichage assez vaste, des jardins partagés, des serres, un poulailler, une zone de compost, des ruches et, bien entendu, des toilettes sèches.

« Un projet de résilience urbaine, comme il n’y en a pas ailleurs », me dit, un peu sûr de lui, Constantin Petcou, l’un des architectes de AAA (Atelier d’Architecture Autogérée) qui a initié et co-élaboré ce projet urbain, intitulé R-Urban. Son principe : construire des unités de résilience, à partir desquelles on peut agir pour lutter contre les crises globales (climatique, énergétique, économique, sociale) et « sauver la planète » en agissant de bas en haut.

Des opportunités spatiales où les habitants viennent d’abord pour le loisir et peu à peu, y développent des activités avec d’autres jusqu’à même pouvoir créer des emplois. Des espaces porteurs d’autres modes de vie plus résilients, par la culture bio et le recyclage, moins polluants, moins consommateurs de pétrole, d’électricité, de matières premières. Bref, plus écologiques. (...)

« Consommer ce que nous produisons et produire ce que nous consommons »

Ces espaces sont conçus autour de la coopération, de la mutualisation, entre amateurs et professionnels, entre producteurs et consommateurs, lesquels se rapprochent et collaborent, comme dans une Amap. (...)

Le rhizome a une particularité : chaque partie peut devenir un nouveau centre, et une nouvelle multiplication. AAA développe ses projets ainsi : chaque usager peut continuer et développer de nouveaux projets. « C’est par des rhizomes que nous pouvons agir par le bas et, par multiplication, lutter contre les crises globales », souligne Constantin. Ces projets se rassemblent donc sur le thème de la « déglobalisation » cher à l’écrivain paysagiste Gilles Clément et sur celui de « relocalisation ».
Un projet menacé par la construction d’un parking

Mais ce projet qui relie des expériences en cours dans plusieurs pays d’Europe est aujourd’hui menacé. Alors que l’éco-habitat devait être développée sur le site, le changement de majorité a interrompu le processus. La nouvelle municipalité (Les Républicains) souhaite récupérer le terrain de l’agrocité pour faire un parking temporaire, dans le cadre de la rénovation urbaine du quartier.

Divers échanges de courriers, depuis juin 2014, n’ont pas résolu l’affaire et la réunion, le 9 juin dernier, avec des représentants de la Commission européenne et de la mairie n’a pas été décisive. L’Europe est pour l’instant ambiguë par rapport à cette rupture de contrat de la part de la Mairie. La Commission européenne considère que le projet a été réalisé. La Mairie affirme que l’espace constitué d’un bâtiment en bois, d’un poulailler et d’une aire de maraîchage et jardins partagés ainsi que de compost doit être délocalisé. Mais elle ne propose pas de nouveau lieu.
Délocaliser le projet... ou le parking ?

Il n’y aurait pas d’emplacement disponible à Colombes ? AAA a donc cartographié elle-même les parcelles pouvant accueillir la relocalisation de l’ensemble, ou mieux, un autre emplacement pour le parking. (...)

La convention entre la Commission Européenne, la Mairie et AAA se termine le 30 septembre 2015. Le projet dans son ensemble a coûté 1,6 millions d’euros, dont 630 000 déboursés par la Mairie de Colombes.

Le programme est presque réalisé mais quelle catastrophe ce serait de détruire cette réalisation qui peut servir de modèle aujourd’hui pour quantité de villes, tant en France que dans le monde, dont on peut apprécier en vraie grandeur la teneur exacte et la présence emblématique, démonstrative… Cela ne manque pas, d’ailleurs, puisque des délégations des mairies de Montréal, de Séoul, d’autres villes de France, ont fait le déplacement pour « toucher » et « être touchés par » cette réalité nouvelle, porteuse de beaucoup de désirs et d’espérance. Un imaginaire social et urbain enfin réjouissant et proactif, rassembleur. (...)

Un espace où d’autres rapports sociaux, humains sont expérimentés, produisant d’autres rapports à la nature, au monde, plus équilibrés et vivants, dans une combinaison savante et concrète d’adaptation et d’invention. Pour en faire quoi ? Un parking temporaire, probablement durant deux ans. Tels sont les ravages de la guéguerre politicienne en région parisienne, singulièrement dans les Hauts de Seine, où le PS a perdu toutes ses cartes. (...)

Ici comme là, la logique des pouvoirs en place est de vouloir balayer toute expérimentation d’une autre société plus résiliente, plus équilibrée afin de poursuivre le train-train quotidien de « la ville qui avance », de la métropolisation de la société française et du monde de l’économie triomphante. « Business as usual ». Si personne n’arrête la maire de Colombes, « l’atrocité » remplacera « l’agrocité », comme mon correcteur d’orthographe automatique ne cesse de me le proposer…