
Deux journalistes ont récemment été arrêtés en Ukraine sur la foi de notices rouges abusives. Nouvelle illustration du détournement d’Interpol par des régimes autoritaires. Malgré les réformes et les engagements pris par l’organisation.
Deux nouveaux cas d’arrestation de journalistes sur la foi de notices rouges abusives. Après la Turquie cet été, deux autres régimes autoritaires ont récemment illustré les risques de détournement d’Interpol. L’Ouzbékistan et l’Azerbaïdjan sont ainsi parvenus à faire arrêter hors de leurs frontières et emprisonner des journalistes, l’un réfugié politique, l’autre demandeur d’asile. Dans les deux cas, les arrestations ont été opérées par la police aux frontières ukrainienne après consultation du registre d’Interpol. (...)
Pourtant, en mars dernier, Interpol avait engagé des réformes, après qu’une commission dirigée par le député allemand Bernd Fabritius (PPE) a pointé du doigt les cas de détournement d’Interpol et de ses fameuses notices rouges. Dans sa résolution 2161, intitulée “Recours abusif au système d’Interpol : nécessité de garanties légales plus strictes”, le Conseil de l’Europe pointait le risque de détournement de l’organisation.
“Il a été fait état à plusieurs reprises ces dernières années d’allégations de détournement du système des notices rouges par certains États membres à des fins politiques, en vue de réprimer la liberté d’expression ou de persécuter des opposants politiques à l’étranger, soulignait le rapport de la commission. Il semble que les garanties légales aient bel et bien un temps de retard sur les progrès technologiques et le recours accru au système des notices.”
Dans cette résolution, Interpol était notamment invitée à améliorer son système de contrôle via son organe dédié, la commission de contrôle de fichiers (CCF). Laquelle venait justement de publier de nouveaux statuts (début mars 2017). Les députés européens soulignaient cette avancée, rappelant par ailleurs que dans la grande majorité des cas le système des notice rouges était efficace.
Six mois plus tard, le compte n’y est pas (...)
“Les alertes de la société civile ont fini par aboutir à une prise de conscience : depuis 2015, Interpol a notamment commencé à renforcer son mécanisme d’appel, note RSF. Mais beaucoup reste à faire, aussi bien pour mettre en œuvre ces réformes que pour mieux filtrer les demandes émanant d’États répressifs.” L’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe appelait en septembre Interpol à “continuer d’améliorer le système des notices rouges, de façon à prévenir les abus et à y remédier plus efficacement”.
Interrogé à plusieurs reprises sur ce détournement de l’usage des notices rouges, le secrétariat d’Interpol s’est contenté de nous rappeler les procédures d’émission des notices rouges, mais “s’interdit tout commentaire sur des affaires ou des personnes précises”.