
Mardi soir à Naples, la Cité des sciences a brûlé. Désormais, en place et lieu de l’édifice, il ne reste qu’une charpente cramée. L’enquête, actuellement en cours, penche pour un acte de la mafia locale, la Camorra ; pour la population, cela ne semble faire aucun doute.
(...) Pour une partie des Napolitains, la Cité des sciences a une signification spéciale. Ce musée, qui avait pris ses quartiers dans une ex-aciérie de la ville, était surtout situé dans le quartier de Bagnoli, une zone populaire de la ville. La Cité des sciences ? Plus qu’un musée, un symbole. (...)
Ce n’est pas la première fois que l’art se retrouve mêlé à la mafia locale, la Camorra, sur ces terres napolitaines. Souvenez-vous de ce directeur de musée qui avait commencé à brûler ses œuvres faute de soutien de la part des autorités locales.
A l’époque, Antonio Manfredi, directeur du CAM, un délicieux musée d’art contemporain à Casoria, réputée pour être l’un des fiefs de la Camorra, m’avait confié :
« Ce musée dérange. Prenez par exemple ces œuvres autour de l’immigration : c’était un moyen d’amener la conversation autour de l’exploitation des clandestins dans le sud de l’Italie, dans les champs d’orangers. »
Coups de fil anonymes, mannequin pendu à l’entrée du musée... Antonio Manfredi et son art atypique en ont vu de toutes les couleurs. (...)
Mafia et culture, mafia contre culture, culture contre mafia : dans ces territoires, le débat est sans fin. Vincenzo Bevar et ses amis sont à l’origine d’une initiative qui mêle étroitement les deux thèmes : celle d’un cinéma ambulant en plein air qui se déplace en terre de mafia.
Vincenzo est né en Calabre, territoire tristement connu pour abriter l’une des mafias les plus dangereuses au monde, la ’Ndrangheta. On ne combat jamais la mafia par hasard.
L’association a le soutien d’éminents artistes italiens, comme le réalisateur Ettore Scola ou encore Matteo Garrone (« Gomorra »). (...)
Un sujet loin d’être anodin quand on sait que la ’Ndrangheta détient 80% du marché de la cocaïne. Cette année pour la première fois, Vincenzo Bevar et Cinemovel ont lancé une grande campagne de fonds pour diffuser leur initiative dans toute l’Europe.
Le programme, baptisé « Cinéma libre dans des terres libérées », prévoit une projection à Marseille, Paris, Bruxelles et Duisbourg, en Allemagne. Cette dernière étape fait référence au sanglant règlement de compte qui avait entraîné la mort de huit mafieux calabrais en 2007 dans cette petite ville allemande.
Vincenzo Bevar continue :
« La mafia n’est désormais plus le seul problème de l’Italie. Elle concerne aussi l’Europe. »
Il y a deux ans, l’Union européenne a d’ailleurs donné son feu vert à la formation d’une commission européenne de lutte contre la mafia. Présidée par Sonia Alfano, eurodéputée d’origine sicilienne, elle s’est donnée pour mission première d’harmoniser le droit européen pour lutter contre le crime organisé.