
Depuis janvier, près de 200 Indiens en transit ont été placés en zone d’attente, à leur arrivée à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. 87 y sont toujours. L’indécente promiscuité dans ce centre favorise la circulation du virus, et possiblement de son variant indien. D’après nos informations, la police relâche par ailleurs des migrants positifs au coronavirus, sans suivi sanitaire.
Le premier ministre Jean Castex était à l’aéroport de Roissy le 25 avril pour rendre visible l’action du gouvernement dans sa « bataille contre ces variants, qui sont une menace face à laquelle nous devons nous protéger », a-t-il déclaré au lendemain de la mise en place d’un protocole renforcé pour les voyageurs en provenance de cinq pays identifiés à risque (l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Brésil, le Chili et l’Inde).
1,5 kilomètre à l’écart, caché derrière la zone de décollage du terminal 2, dans une zone de fret désertique, existe pourtant un cluster invisible de migrants maintenus dans un centre fermé, la zone d’attente de personnes en instance (Zapi) de Roissy, et du personnel qui y travaille. (...)
La présence du variant indien n’y est pas encore détectée, tant les tests réalisés y sont peu nombreux et le séquençage des échantillons, seule technique capable de traquer ce virus mutant, pas systématique.
La circulation incontrôlée du Sars-CoV-2 et potentiellement, de son redoutable variant indien, fait courir un double risque : pour la santé des personnes dans ce foyer de contamination imposé ; et potentiellement, de le voir se propager sur le reste du territoire puisque des étrangers « maintenus » dans la zone d’attente (selon le jargon administratif) et positifs sont relâchés dans la nature, sans moyen de s’isoler ni aucune prise en charge sanitaire, d’après des informations obtenues par Mediapart.
Depuis janvier, près de 20 ressortissants étrangers du centre ont été testés positifs, selon les informations recueillies par Mediapart. Aujourd’hui encore, au moins quatre migrants présentent des signes évocateurs du Covid-19, mais refusent de réaliser un test PCR.
Conscients que la preuve d’un dépistage négatif est exigée avant le décollage, l’accepter est synonyme de retour imminent dans le pays qu’ils fuient. Le nombre réel de personnes en transit aujourd’hui infectés parmi les 126 exilés entassés dans la zone d’attente de Roissy, dont 87 Indiens, est donc difficile à évaluer.
Au moins une vingtaine de cas positifs a également été recensée depuis le début de l’année parmi le personnel exerçant au sein de la Zapi, entre les agents de la police aux frontières (PAF), l’équipe de nettoyage et les salariés de la Croix Rouge, mandatés pour intervenir auprès des étrangers en zone d’attente de réacheminement vers leur destination d’origine ou de libération.
Depuis le 21 avril, le personnel de la Croix Rouge exerce son droit de retrait, tant les gestes barrières ne peuvent être respectés. Les salariés de l’organisation humanitaire estiment que les conditions d’hygiène dans le centre constituent « un danger grave et imminent pour [leur] vie ou [leur] santé ». (...)
« Une personne maintenue en zone d’attente vient encore d’être détectée positive, sans que des mesures sanitaires ne soient prises. Elle a été au milieu des 120 autres », enrage l’avocate Sonia Boundaoui, lors de l’audience du 23 avril.
Elle désigne le groupe d’Indiens arrivés le 19 avril à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle par le même avion. « Ceux-là viennent de la zone d’attente, leur droit à la vie, à la dignité et à la santé n’est pas respecté, plaide-t-elle. Demain nous seront tous cas contact ! »
Le malaise se répand dans la salle. À 15 heures, 32 dossiers sur 52 ont été examinés à la chaîne depuis 9 heures le matin. « Laisser entrer sur le territoire français dix, vingt, peut-être trente personnes porteuses du virus et sûrement d’un variant indien qu’on ne connaît pas très bien, ce n’est pas la bonne solution », argumente quant à elle l’avocate qui défend le ministère de l’intérieur.
« De peur qu’ils diffusent le variant, mieux vaut les laisser ici se contaminer entre eux, dans des conditions indignes, à deux dans des chambres de 9 mètres carrés plutôt que de les isoler convenablement à l’hôtel », traduit Sonia Boundaoui lors de la suspension d’audience, dehors, sous les fenêtres à barreaux de la zone d’attente, avec vue sur les avions stationnés sur la piste d’atterrissage. (...)