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A Strasbourg, un cimetière musulman contribue à lutter contre les discriminations
Article mis en ligne le 1er novembre 2017

Le premier cimetière public musulman de France a été inauguré en 2012, rendu possible par le statut particulier – le concordat – appliqué aux départements de l’ex-Alsace et de la Moselle. Une réalisation qui a permis aux pratiquants de l’Islam d’être enterrés selon les rites qui comptent pour eux. Mais pas seulement : en étant littéralement mêlés au sol français, cela permet la reconnaissance symbolique de leur appartenance pleine et entière au pays, et de leur droit fondamental à y demeurer. Reportage.

(...) Au sud de Strasbourg, le premier et unique cimetière public musulman de France a été inauguré en février 2012, permettant aux adeptes de cette religion d’être enterrés selon les rites qui leurs sont propres. Et de rompre, ne serait-ce que symboliquement, avec le mythe du « retour au pays » qui a longtemps hanté – et hante encore souvent – les populations issues du Maghreb, jamais totalement acceptées malgré leur participation essentielle à la construction du pays. Être enterrés en France et comme Musulmans pour, enfin, se sentir appartenir pleinement à la communauté nationale...

Le mythe du retour a donc fini par s’effondrer et ces travailleurs, Maghrébins pour les plus anciens, rejoints au fur et à mesure par de plus en plus de Subsahariens. Ils se sont installés durablement en France, seuls ou en famille, car c’est ici qu’ils ont construit leur vie, et que la France est devenue leur « chez eux ». (...)

« Honorer ses morts dans de bonnes conditions »

Une attention de plus en plus grande est portée aux sépultures car, comme en est témoin Mohamed Latahy, l’aumônier musulman des hôpitaux universitaires de Strasbourg, de plus en plus de travailleurs immigrés et leur famille décident d’être enterrés à Strasbourg. L’aumônier s’occupe des personnes en fin de vie, et de l’accompagnement à domicile. « Avant les patients disaient : "s’il y avait un cimetière, au moins, je me serais fait enterrer ici". Depuis qu’il a ouvert, même si ce n’est pas la majorité, il y a de nombreuses personnes qui préfèrent être enterrées ici, car leur enfants sont là. Du coup, les liens se perpétuent. »

Le « retour au pays » brandi aux visages des travailleurs immigrés n‘a pas lieu d’être pour Eric Schultz, adjoint au maire de la ville de Strasbourg. « Il y a aujourd’hui des traditions familiales plus ancrées. Les familles sont là, installées, posées, comme tout le monde. Et la manière dont on pouvait faire enterrer les défunts il y a des années, en les faisant retourner, entre guillemets, dans leur pays, se pose de moins en moins comme une option, parce que leur pays est ici. (...)

« Il n’y a pas de morts de première ou de seconde zone. Tout le monde doit être accueilli à égalité », explique encore Eric Schultz. Pour lui, la question du cimetière musulman va au-delà de la question de l’intégration : « Nous nous inscrivons dans un courant inclusif : chacun doit se sentir chez soi dans la République, dans la vie comme dans la mort et chacun doit pouvoir, d’un bout à l’autre de sa vie, avoir sa place, comme tous les citoyens, dans la République et ses institutions », explique-t-il. Finalement à Strasbourg, il a été possible de faire une place à tous, et reconnaître comme faisant partie de la communauté nationale une partie de la population longtemps rejetée.