
Dans le Puy-de-Dôme, les habitants sont priés de réduire leur consommation en eau potable. Des restrictions auxquelles échappe la Société des eaux de Volvic, propriété de Danone.
En mai, ferme les robinets. Depuis la semaine dernière, quarante-quatre communes du Puy-de-Dôme sont visées par un arrêté préfectoral de restriction sur l’eau potable « pour éviter les risques de pénuries ». Au nord de Clermont-Ferrand, interdiction jusqu’à fin juin de laver sa voiture, remplir une piscine et arroser son jardin entre 10 et 18 heures. Les entreprises du territoire sont également tenues de diminuer d’un quart leurs prélèvements sur le réseau.
C’est la conséquence d’une sécheresse hivernale durable et de la chute du débit de la source principale du secteur, le Goulet, sur la commune de Volvic. Pourtant, la Société des eaux de Volvic (SEV), filiale de Danone, qui embouteille plus d’un quart de l’eau de la nappe souterraine, n’est, elle, pas concernée par ces restrictions. La raison ? « Les activités de Volvic n’ont pas d’impact » sur le réseau d’eau potable car elles sont « effectuées en aval de la source », explique l’entreprise. C’est même « en solidarité avec les acteurs du territoire » que la SEV applique d’elle-même « une baisse 5 % de ses autorisations de prélèvements ».
Restriction symbolique
Est-ce là une belle « contribution à l’effort collectif » de la part d’une entreprise qui exporte des pleins camions de bouteilles en plastique et revend une ressource souterraine commune 100 à 300 fois plus cher que l’eau du robinet ? Pas vraiment. La SEV se borne en fait à appliquer des mesures qu’elle a elle-même établies dans son plan d’utilisation rationnelle de l’eau (PURE). Ce document, non rendu public, a été cosigné entre la SEV et la préfecture en septembre 2021 et engage l’entreprise à réduire son niveau maximum de prélèvement mensuel autorisé en cas d’alerte sécheresse.
Un engagement jugé « ridicule » par Marc Saumureau, président de la Frane, association environnementale auvergnate. (...)
Des phénomènes d’interférence
Si Danone peut s’exonérer des obligations touchant les autres industriels — contraints, eux, de baisser de 25 % leurs prélèvements par la préfecture — c’est qu’elle sépare la nappe de Volvic en deux masses d’eau distinctes : les eaux de surface, qui alimentent le réseau d’eau potable avec lequel Danone estime n’avoir rien à voir, et la nappe profonde, là où l’entreprise exploite le filon liquide. Si, de fait, les relations hydrologiques entre les deux zones ne sont pas pleinement établies, cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas étanches. Mais l’hydrosystème de la nappe est « encore mal connu », selon la commission d’enquête parlementaire, ce qui ne permet pas de conclure. (...)
« C’est la même eau ! » assure, de son côté, Jacky Massy, le président de l’association Preva qui se bat depuis 2018 pour une gestion durable de l’eau dans la région. Pour lui, le lien entre l’abaissement des niveaux d’eaux de surface et l’activité de Danone est évident : « Ils exploitent durement la nappe, jusqu’à dépasser sa capacité de régénération ». (...)
Les tensions sur les usages industriels de l’eau ne sont pas nouvelles. En 2019, le préfet du Puy-de-Dôme avait pris un arrêté-cadre sécheresse qui exonérait l’ensemble des industriels des mesures d’économie. Une décision attaquée en justice par FNE 63, UFC Que Choisir et trois autres associations. La justice n’a pas encore statué, demandant des expertises complémentaires. (...)
Danone continue pour l’heure à produire presque comme si de rien n’était. Au même moment, dans les Vosges, le groupe Nestlé vient d’annoncer qu’il suspendait l’exploitation de deux de ses forages en raison des conditions climatiques qui se détériorent.