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A propos des villes intelligentes
Article mis en ligne le 4 septembre 2014
dernière modification le 29 août 2014

Connaissez-vous les villes de Songdo, Masdar, PlanIt Valley ou KonzaTechnoCity ? Les villes intelligentes du futur sont là, ouvrant un avenir radieux pour la démocratie… mais attention, vous n’avez pas intérêt à sortir sans smartphone.

(...) Le futur est déjà là

Construite sur une île artificielle en Corée du Sud, voici Songdo International Business District, la ville vitrine de la multinationale américaine Cisco spécialisée dans le matériel de réseau :« Lors de la phase de construction, Cisco a truffé chaque parcelle de la ville et tout le bâti de capteurs embarqués qui transmettent en continu un flux d’informations à un contrôleur central. Toutes sortes de données en provenance des bâtiments, des routes et des infrastructures y sont envoyées en permanence : des informations relatives à la température, à la demande énergétique, aux conditions de trafic, etc. Des caméras placées dans les rues permettent par exemple d’analyser le flux des piétons et de réguler en conséquence l’éclairage public, permettant ainsi une utilisation plus rationnelle. Des puces RFID, accolées aux véhicules, répertorient en temps réel les conditions de trafic exact sur les artères de la ville et permettent de mieux gérer les feux de signalisation ou d’afficher des messages de prévention routière » (2).

Témoignant du savoir-faire des magnats des TIC, émergent aussi Masdar, une « ville verte » construite ex nihilo au milieu du désert de l’émirat d’Abou Dabi ; PlanIt Valley au Portugal (3) ; KonzaTechnoCity au Kenya, élégamment renommée « Silicon Savannah », etc. Pour sûr, les « pays pauvres et en développement » constituent le nouveau marché de la ville : en Europe ou aux États-Unis, il n’y a plus d’argent à faire et nous manquons d’espace pour bâtir de nouvelles villes (4).

Mais les projets de villes intelligentes concernent aussi les villes « traditionnelles », celles dont la reconversion technologique des espaces urbains reste à faire. (...)

Politique et liberté dans un monde « plus intelligent »

Le discours sur la ville intelligente fait généralement cohabiter les enjeux d’optimisation avec un enthousiasme immodéré pour le « participatif » et « l’appropriation ». Dans la « ville intelligente » les citoyen·ne·s sont en contact direct avec la mairie pour notifier les trous dans la chaussée, ils et elles produisent des données sur toutes leurs activités et certain·e·s d’entre eux innovent, c’est-à-dire s’approprient et réutilisent les données pour produire de nouveaux services. Bref, le/la citadin·e est enfin libéré·e de toute contrainte, il/elle peut se déplacer avec fluidité, entreprendre à souhait, reprendre le contrôle de sa consommation d’énergie, optimiser son intérieur connecté et sociabiliser par écran interposés.

Mais la « ville intelligente » est tentaculaire, si ce n’est totalitaire. Peu de risque quant à la « fracture numérique » : les prix chuteront et nous aurons accès à l’équipement citoyen minimal (8). En revanche, les citoyenn·e·s devrontêtre équipé·e·s de smartphones : pour pouvoir optimiser la gestion des flux, les tracer et les quantifier, la production d’informations tout azimuts et leur centralisation sont capitales. La technologie à l’œuvre dans la ville intelligente exclura nécessairement ceux et celles qui refuseraient d’y être intégré·e·s (c’est-à-dire qui refuseraient d’être équipé·e·s d’objets pucés, voire d’être eux/elles-mêmes pucé·e·s).

Il y a par ailleurs une illusion fondamentale à croire que la notion d’efficacité, d’optimisation, peut être conciliée avec celle de liberté. Dans une telle organisation, la « gouvernance participative » est un vœu pieux tant il est peu probable que nous puissions discuter de « l’optimalité » des algorithmes du système d’exploitation urbain. Les choix politiques sont étouffés par le fonctionnement du système technologique.

A cette participation illusoire s’ajoutent les légitimes craintes de surveillance (...)

La magie des TIC vertes

Là encore, le discours de la « ville intelligente » s’accompagne de vœux pieux dans l’espoir de donner un sens au délire technologique. L’invention du concept de « TIC vertes » fait suite à un rapport établissant que les émissions de gaz à effet de serre liées aux TIC représentent 2 % des émissions globales, chiffre comparable à celui de l’aviation (11). Il mise sur la réduction de l’empreinte énergétique du secteur des TIC et sur « l’optimisation des ressources » que permettraient ces dernières, prétendant ainsi réduire l’ensemble des émissions de 15 à 30 % d’ici 2020. Malheureusement, en regardant plus loin que l’efficacité énergétique d’un appareil donné, nous constatons que les smartphones et tablettes se multiplient, que les écrans LCD sont toujours plus grands, que les déchets sont toujours mal pris en charge, et que la production de données ne cesse de croître, augmentant la consommation des réseaux et le nombre de serveurs devant les stocker. Considérant que le succès de la « ville intelligente » passe par la multiplication des capteurs, des périphériques et donc des données, on ne peut que douter de cette solution marchande et liberticide.

Il est déjà bien tard pour s’élever contre ce mouvement, et nous avons peu à attendre d’États capitalistes et gestionnaires quémandant des solutions industrielles pour relancer la croissance. Pour sortir de l’impasse, commençons par refuser les smartphones et autres périphériques NFC ou RFID, relais essentiels de ce monde technologique. Débranchons-nous.