
Alors que l’agence française se targue depuis un an de son « fact-checking » (sic) auquel sont dédiés 21 journalistes, sa couverture des procès des gilets jaunes est un modèle de partialité. Reprise en chœur par une écrasante majorité de médias moutonniers. Triste illustration avec le procès de quatre gilets jaunes le 26 décembre à Valence.
(...) À lire le compte-rendu de l’audience par l’AFP, nous saurons que la personne à terre était le commissaire divisionnaire Noël Fayet et qu’il a été « roué de coups au sol » : « En 28 ans de police, je n’ai jamais vu une telle avalanche ». Nous saurons qu’il a bénéficié d’une interruption temporaire de travail de trois jours. Nous ne saurons pas qu’il s’agit de simples contusions et abrasions. Nous ne saurons pas que l’une des quatre personnes interpellées, Stéphane Trouille, a dû subir un tir de flashball dans le dos et deux sutures, quatre et cinq points, à la suite de son interpellation. En revanche, nous apprendrons, avec l’AFP et tous ses relais bienveillants, que les prévenus voulaient « bouffer du flic », qu’il convient, pour le procureur, de rapprocher leurs gestes des « actes dégueulasses commis samedi à Paris quand des manifestants s’en sont pris à des policiers à moto ». Nous ne saurons pas qu’il pourrait exister des flics avides de bouffer du manifestant ; nous ne saurons pas que 1500 Gilets jaunes ont été blessés depuis le début du mouvement, dont une cinquantaine grièvement.
Et si l’AFP crédite tout de même les quatre prévenus de leurs casiers judiciaires vierges, elle laisse soigneusement le lecteur sur les sentiments du procureur. (...)
nous ne saurons absolument rien de ce qu’a déclaré Stéphane Trouille : « Alors que je quitte la zone commerciale avec une centaine de personnes, vers 13h15, je suis confronté à une scène d’agression dont sont victimes des Gilets jaunes. Je décide, comme d’autres, d’intervenir pour leur porter assistance, les protéger et porte trois coups de pied à un des agresseurs pour le repousser. Après ces trois coups, je me rends compte, à la vue d’un pistolet qu’un autre homme sort, qu’il s’agit de policiers en civil et je décide de quitter les lieux. Durant toute cette scène, qui dure environ 22 secondes, je n’ai à aucun moment entendu les policiers s’identifier et je n’ai à aucun moment vu leur brassard, pour le moins discret et difficilement décelable. Alors, OUI, j’ai bien exercé une violence sur un individu, pour protéger des Gilets jaunes, pour faire fuir des personnes que j’avais identifiées comme des agresseurs. NON, je n’ai pas, nous n’avons pas « cassé du flic », « bouffé du flic », « foutu en l’air du flic », comme les mass-médias le martèlent depuis le rendu du jugement, reprenant largement les termes dramatiques du procureur....)
Non plus, nous ne saurons pas -à lire l’AFP et tous ses recopieurs- que l’un des policiers en civil (le chauffeur du commissaire divisionnaire Noël Fayet) est revenu sur sa première déposition, à l’audience, après avoir visionné la vidéo ; désormais, il n’affirme plus avoir vu l’un des quatre inculpés porter un coup à son supérieur. Nous n’apprendrons rien non plus du témoignage d’un ancien gardien de la paix, sortant de la grande surface Boulanger, près du rond-point, et qui atteste de l’absence de signes distinctifs (brassard, etc.) des policiers en civil et de la violence de leur intervention. Nous ignorerons ce que dénonce l’un des avocats des inculpés, Me Galland : « C’est bien un procès politique, pas une audience de droit commun. Le contexte de cette affaire est national. M. le Procureur a reçu des instructions par une circulaire du 22 novembre du ministère, l’encourageant au maximum de comparutions immédiates et à la sévérité. ».
La lecture de cette circulaire est pourtant édifiante et pourrait intéresser l’agence de presse. (...)