
La disparition d’Aaron Swartz en janvier 2013 a laissé orpheline la communauté numérique. De Boston à New York, retour sur le parcours d’un homme qui voulait propager le savoir. Cet article est la version longue de l’article paru dans “Télérama” le 3 avril 2013.
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Le document de police indique qu’il était 14 heures et 11 minutes lorsque le policier a plaqué le fuyard contre le trottoir, et qu’Aaron Swartz, pour le principe, a refusé de confirmer son identité – mais qu’une clé USB portant ses initiales l’a trahi. Pure formalité, puisque tout le monde à Cambridge connaissait au moins de vue le garçon de 25 ans, programmeur informatique de renom et star de l’activisme des temps numériques, de moins en moins étudiant (malgré son immuable look baskets et sweatshirt à capuche) et de plus en plus figure publique, régulièrement interviewé dans les quotidiens nationaux et à la télévision. (...)
Une heure plus tôt, le jeune homme aux longs cheveux noirs avait discrètement quitté le bâtiment 16 du MIT. Dans un placard informatique situé au sous-sol (un local non verrouillé, la précision est d’importance), il était allé récupérer un ordinateur portable – un petit « Acer » de type netbook – et un disque dur déposés là un mois plus tôt, cachés derrière une grosse boîte en carton. Relié à un serveur de l’université, l’ordinateur avait entre temps « aspiré » des millions de pages de documents scientifiques – tirés de la base de données universitaires JSTOR.
Aaron, le Robin des bois numérique
Objectif de Swartz : rendre ces documents académiques accessibles à tous, gratuitement. Pas vraiment un acte de hacking classique, plutôt une façon pour ce Robin des bois numérique d’aller se servir « à la source » en prélevant une énorme quantité de data par ailleurs accessible gratuitement via Internet – mais seulement par paquets de dix pages à la fois – pour les étudiants du Massachusetts Institute of Technology et leurs camarades d’Harvard. (...)
Ce que Swartz ignorait, c’est que le placard informatique en question était sous surveillance : une webcam déposée là cinq heures auparavant par un agent du FBI assisté des services de sécurité du MIT attendait que l’auteur du larcin informatique vienne récupérer son butin. Un peu plus tard, l’enquêteur du FBI en question, un dénommé Michael Pickett, serait d’ailleurs présent sur le lieu de l’arrestation, sur Lee Street, aux côtés de l’agent Albert Pierce.
Pas question pour lui de manquer le spectacle tant attendu de ce poisson enfin ferré, trahi par la caméra puis rattrapé en pleine rue. Swartz, informaticien-militant un peu trop exalté au goût des services secrets, allait enfin devoir s’expliquer sur ces étranges agissements, et cette manie de rendre accessibles à tous des données théoriquement réservées à certaines catégories de publics.
Mis en examen pour treize chefs d’accusation
On connaît la suite, dramatique (...)