Cette lettre nous a été transmise par une jeune mère dont l’accouchement, début mai à Paris, a été traumatisant. Elle s’adresse à la direction d’un hôpital parisien. Laure, dont le prénom a été changé, voudrait qu’aucune autre femme n’accouche dans ces conditions. Elle dénonce des règles absurdes, mises en place en raison de la pandémie de Covid-19. Son conjoint n’a pu la rejoindre en salle de travail qu’après quatorze heures de solitude et une crise de tremblements.
J’ai donné naissance à un petit garçon dans votre hôpital. Je vous écris car je souhaite vous interpeller avec beaucoup de colère et de chagrin sur la façon dont mon accouchement s’est déroulé dans vos murs, la semaine dernière. Je suis, dans ces jours de post-accouchement, débordée d’amour pour mon fils, et ma seule envie serait de vivre pleinement cette période magique avec son papa, en mettant derrière moi l’expérience de mon accouchement. Cela serait plus simple pour moi de me dire que c’est du passé. En ces temps troublés de pandémie, où je sais pertinemment les efforts et le courage déployés par les soignants, je pourrais me contenter de mettre un mouchoir sur ma douleur et ma révolte.
Néanmoins, depuis une semaine, je ne peux raconter mon accouchement et mes quatre jours passés dans vos services sans pleurer, et je sens que le trauma que j’ai vécu doit être dit. Pour ma propre reconstruction mais aussi, et surtout, comme un acte d’engagement politique pour toutes les femmes qui vont accoucher dans les jours, les semaines, les mois à venir.
Vous ne pouvez les laisser traverser leur accouchement seules, sans leur conjoint.
Pour mémoire, depuis le début de la pandémie, la règle que vous avez mise en place est la suivante : le père peut être présent le temps de la naissance, c’est-à-dire du “travail” (à partir du moment où la mère est admise en salle de travail jusqu’à deux heures après la naissance du bébé, c’est-à-dire à compter du moment où son col de l’utérus est ouvert à 3, jusqu’à l’expulsion finale). Cette règle exclut donc la présence du père pendant le séjour en maternité après la naissance (deux jours minimum, et bien plus s’il y a le moindre problème), mais elle exclut aussi sa présence si la femme est admise à l’hôpital dès le prétravail, c’est-à-dire pendant les heures de contraction précédant l’entrée en salle de travail.
Ce prétravail étant le moment probablement le plus douloureux, pénible et angoissant d’un accouchement, la femme ressentant les douleurs des contractions et ne pouvant pas encore être placée sous péridurale. D’autres maternités ont fait d’autres choix, permettant au père de se confiner en chambre avec la mère, dès son prétravail et ce, jusqu’à la sortie de la maternité, ce qui permet aux couples de traverser la totalité de l’accouchement et de la naissance ensemble. C’est un choix possible, faisable. Ce ne fut pas le vôtre. (...)
J’ai donné naissance à un petit garçon dans votre hôpital. Je vous écris car je souhaite vous interpeller avec beaucoup de colère et de chagrin sur la façon dont mon accouchement s’est déroulé dans vos murs, la semaine dernière. Je suis, dans ces jours de post-accouchement, débordée d’amour pour mon fils, et ma seule envie serait de vivre pleinement cette période magique avec son papa, en mettant derrière moi l’expérience de mon accouchement. Cela serait plus simple pour moi de me dire que c’est du passé. En ces temps troublés de pandémie, où je sais pertinemment les efforts et le courage déployés par les soignants, je pourrais me contenter de mettre un mouchoir sur ma douleur et ma révolte.
Néanmoins, depuis une semaine, je ne peux raconter mon accouchement et mes quatre jours passés dans vos services sans pleurer, et je sens que le trauma que j’ai vécu doit être dit. Pour ma propre reconstruction mais aussi, et surtout, comme un acte d’engagement politique pour toutes les femmes qui vont accoucher dans les jours, les semaines, les mois à venir.
Vous ne pouvez les laisser traverser leur accouchement seules, sans leur conjoint.
Pour mémoire, depuis le début de la pandémie, la règle que vous avez mise en place est la suivante : le père peut être présent le temps de la naissance, c’est-à-dire du “travail” (à partir du moment où la mère est admise en salle de travail jusqu’à deux heures après la naissance du bébé, c’est-à-dire à compter du moment où son col de l’utérus est ouvert à 3, jusqu’à l’expulsion finale). Cette règle exclut donc la présence du père pendant le séjour en maternité après la naissance (deux jours minimum, et bien plus s’il y a le moindre problème), mais elle exclut aussi sa présence si la femme est admise à l’hôpital dès le prétravail, c’est-à-dire pendant les heures de contraction précédant l’entrée en salle de travail.
Ce prétravail étant le moment probablement le plus douloureux, pénible et angoissant d’un accouchement, la femme ressentant les douleurs des contractions et ne pouvant pas encore être placée sous péridurale. D’autres maternités ont fait d’autres choix, permettant au père de se confiner en chambre avec la mère, dès son prétravail et ce, jusqu’à la sortie de la maternité, ce qui permet aux couples de traverser la totalité de l’accouchement et de la naissance ensemble. C’est un choix possible, faisable. Ce ne fut pas le vôtre. (...)
Cette nuit de prétravail a été un ENFER. Un pur et simple enfer, physique et psychique. Je me suis sentie seule, et abandonnée comme jamais. Déshumanisée. Laissée à mon sort. Gémissant seule dans des pièces vides, ayant pour seule option de contact humain d’appeler des infirmières en appuyant sur un bouton. Je n’ai pu bénéficier d’aucun contact privilégié, humain, avec une personne qui me rassure. On m’a donné des médicaments (qui n’ont fait aucun effet), mais jamais on n’a pris le temps de me parler, de me toucher, de m’expliquer ce qui se passait, de prendre soin de moi a minima.
Vous savez, toutes ces choses qu’on lit pendant les mois de grossesse : l’importance des massages pendant les contractions, du soutien, du contact, des mots, des encouragements… RIEN. Ça n’a pas existé. Ça n’était pas une question. Ça n’était pas un sujet. Comme si bénéficier de cet accompagnement était un petit luxe dont on pouvait se passer sans problème. J’étais seule, livrée à moi-même, terrifiée par cet abandon et par une douleur que je pouvais de moins en moins maîtriser au fil des heures. On m’a enlevé la possibilité d’être accompagnée par mon conjoint, mais aucun relais humain n’a été pris par qui que ce soit pour que son absence soit un peu adoucie. J’ai été totalement seule. J’ai demandé plusieurs fois à être redescendue en prétravail pour qu’on vérifie l’ouverture de mon col. La douleur était telle que je ne pouvais pas imaginer être encore ouverte à moins de 3. (...)
Mes demandes ont été refusées par les sages-femmes, que les infirmières du quatrième sont allées appeler au téléphone suite à mes demandes répétées ! Mais aucune sage-femme n’est montée me dire ce qu’il se passait et pourquoi je souffrais tant. J’ai demandé à une infirmière ce qu’on attendait, et sa réponse a été : “On attend que la douleur devienne vraiment insupportable pour vous descendre. Là, les sages-femmes disent que ça ne sert à rien.”
Mais bordel de putain de merde !! Vous trouvez ça normal, ce genre de réponse ?? Vous trouvez ça normal de regarder une femme souffrir le martyre et de lui dire “il n’y a rien à faire” ? Vous trouvez ça normal que je me sois retrouvée au même étage que les femmes qui venaient d’accoucher, en chambre avec leur bébé, et qui ont dû m’entendre hurler des heures ? Vous trouvez ça normal que les sages-femmes ne se donnent même pas la peine de monter me voir au quatrième ? De me toucher, de me parler, de m’accompagner un minimum ?
Vous trouvez ça normal que, quand une infirmière vienne dans ma chambre, elle me regarde gémir en silence et attende que ma contraction passe, gênée, sans le moindre mot de soutien, la moindre main dans le dos, le moindre encouragement ? (...)
impression pure et simple d’être en prison et qu’on allait continuer à m’y torturer des heures. Au final, j’ai enfin été admise en salle de travail à 8h30, parce que j’ai complètement craqué et me suis effondrée en larmes, prise de sanglots et de tremblements incontrôlables, suppliant pour qu’on fasse venir mon conjoint. Sans ce pétage de plombs (au bout de quatorze heures de souffrance…), je pense qu’on m’aurait encore laissée là-haut. On lui a enfin permis de venir et on m’a posé la péridurale.
Traitée comme une vache
Sur cette première nuit, mon bilan est clair et sans appel : j’ai été traitée comme une bête et non comme un humain. J’ai été parquée dans une chambre comme une vache qu’on attend de voir mettre bas. Sans mot, sans explication, sans contact, sans douceur, sans empathie. Sans humanité. On m’a privée de mon conjoint, du seul soutien humain dont j’avais besoin, mais sans adapter une seule seconde les pratiques de soins pour pallier cette absence.
Sans même nommer cette absence. En faisant comme si tout ça était parfaitement normal. (...)