
Quatre jours après de nouvelles révélations de Mediapart sur Alexandre Benalla et Vincent Crase, le parquet a tenté de perquisitionner le média dirigé par Edwy Plenel.
C’est à la fin de la rituelle grande conférence de rédaction hebdomadaire que Mediapart a reçu ce lundi matin la visite de deux procureurs de la République et trois policiers, dont un commissaire divisionnaire de la brigade criminelle. Refusée par les intéressés (comme ils en avaient le droit), cette perquisition entre dans le cadre d’une enquête préliminaire pour atteinte à l’intimité de la vie privée d’Alexandre Benalla et Vincent Crase, et sur les circonstances de l’enregistrement de leur conversation révélée par Mediapart, et de l’obtention de celle-ci. « Cette enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris qui n’est pas entre les mains de juges d’instruction indépendant du pouvoir politique », note le journaliste Fabrice Arfi, à qui le procureur adjoint de la République de Paris a notifié la possibilité de rendre cette perquisition coercitive grâce à un mandat du juge de la liberté et de la détention.
Cette perquisition visait à récupérer des documents relatifs à la publication de l’enquête des journalistes Marine Turchi et Antton Rouget, publiée jeudi 31 janvier. Fondée « sur une dizaine de sources indépendantes », cette enquête démontre, entre autres, la violation du contrôle judiciaire d’Alexandre Benalla et Vincent Crase – puisqu’elle révèle qu’ils se sont rencontrés et ont discuté de leur volonté de dissimuler des preuves –, et leur implication dans la négociation d’un contrat de sécurité avec l’oligarque russe Makhmudov, proche de « la pire mafia moscovite ».
« Nous n’avons commis aucun délit, nous n’avons fait que révéler des faits d’intérêts publics. À tel point que les juges chargés des violences du 1er mai se sont manifestés. Nous avons reçu une demande de communication des pièces que nous avons révélées. À Mediapart, nous y avons toujours fait droit », insiste Edwy Plenel qui s’interroge également sur l’arrière-plan politique de cette action judiciaire. « Le procureur de la République [a été] nommé récemment par le président de la république lui-même, qui a refusé les trois noms proposés par le Conseil supérieur de la magistrature, et validés par la garde des sceaux et le premier ministre. »
« Ces diligences intolérables du parquet » (...)
Dans un climat liberticide, il s’agit de questionner cette opération judiciaire. Si celle-ci est grossièrement téléguidée par le gouvernement, n’est-ce pas l’indice que les dérives d’Alexandre Benalla, loin des dénégations de la macronie, revêtent bien la dimension d’une affaire d’État ? Ce qui est certain, c’est qu’« on n’a pas fini d’être stupéfait de la manière dont cette affaire est gérée », comme l’a souligné le journaliste Antton Rouget, coauteur de l’enquête de Mediapart.