Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
l’Humanité
Afrique. Opération « Barkhane », la France en plein syndrome afghan
Article mis en ligne le 16 février 2021
dernière modification le 15 février 2021

Alors que s’ouvre, ce lundi, au Tchad, le sommet du G5 Sahel, Paris cherche désespérément une porte de sortie pour ses 5 000 soldats déployés dans une zone vaste comme l’Union européenne, après huit années de guerre et d’occupation militaire stériles.

C’est finalement par visio-conférence, au nom du respect des règles sanitaires, qu’Emmanuel Macron participera au sommet du G5 Sahel qui s’ouvre ce lundi, au Tchad. Un événement très attendu, tant le président de la République et les ministres des Armées comme des Affaires étrangères ont laissé miroiter, ces dernières semaines, des annonces importantes, d’un allègement du dispositif français à un calendrier de retrait, après huit années d’un conflit qui s’est transformé en véritable bourbier. Comme en Afghanistan où les troupes internationales, états-uniennes en tête, s’apprêtent, vingt ans après, à rendre les clés du pays aux talibans, qu’ils prétendaient chasser du pouvoir, la situation sécuritaire n’en finit pas de se dégrader, en dépit des communiqués triomphants de l’armée française. (...)

« Notre enjeu est de réussir à transformer les gains et les victoires tactiques en progrès politiques et sociaux (…). Ce sera tout l’objet du sommet de N’Djamena », renchérissait Florence Parly. Pour masquer l’explosion de la violence et l’extension sans fin d’une zone de conflit qui menace désormais le Togo, le Sénégal, le Bénin ou la Côte d’Ivoire, la communication de guerre française a vanté, en janvier, l’élimination d’une centaine de djihadistes lors d’une opération conjointe de trois semaines entre les forces tricolores et maliennes, ou encore celle de l’émir d’al-Qaida au Maghreb islamique Abdelmalek Droukdel, tué le 3 juin 2020 près de Tessalit (nord du Mali). (...)

Comme les talibans en Afghanistan, les insurgés misent patiemment sur le peu de motivation d’armées locales aussi sous-payées que sous-équipées et sur la lassitude des opinions publiques occidentales face au retour des soldats dans des cercueils – 55 pour la France depuis 2013 –, comme des maigres gains politiques, sécuritaires et sociaux obtenus. « C’est le syndrome afghan où on a expliqué que, avec des militaires et de l’argent pour aider un pays pauvre à se développer, on allait y arriver », relève l’ex-diplomate Laurent Bigot (...)

Accusations de « bavures »

Au Sahel, dans son « désert des Tartares » de proximité, la France tente en vain d’enrayer une autre défaite, celle qu’elle subit sur le front de la « guerre informationnelle ». « Lutter contre le terrorisme, reconnaît Florence Parly, implique (…) de se protéger des guerres d’influence et de dés­information auprès des populations, qui jouent avec les perceptions. » Là aussi, l’échec de « Barkhane » est patent. Malmenée par les classes politiques locales, habiles à rejeter leur propre incurie sur le dos de Paris, par une opinion publique sahélienne sensible à la dimension néocoloniale de ce retour en force de l’occupation militaire française et par la désinformation orchestrée par les grandes puissances rivales (Chine, États-Unis, Russie), la France assiste, impuissante, à une multiplication des manifestations hostiles à sa présence, bien que celles-ci soient moins visibles ces dernières semaines à cause des restrictions imposées dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de coronavirus.

L’armée française se débat également contre les accusations de « bavures », à l’instar de la polémique, toujours vivace, sur un bombardement aérien mené le 3 janvier dernier par la force « Barkhane » près du village de Bounti, dans le centre du Mali. (...)