Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Agir contre le mal-travail : « Il en va de l’avenir de notre santé, de la planète et de la démocratie »
Thomas Coutrot
Article mis en ligne le 10 avril 2016
dernière modification le 7 avril 2016

Le vent de révolte qui souffle contre la loi El Khomri trouve largement son origine dans la souffrance au travail que ressentent de nombreux salariés, femmes et hommes, à statut d’emploi précaire ou non.

Les centaines de témoignages recueillis dans le cadre de l’initiative #OnVautMieuxQueCa en témoignent : pour tous, l’arbitraire, la pression, le sale boulot, la qualité empêchée sont le lot quotidien. Thomas Coutrot, porte-parole de l’association Attac, propose « huit thèses sur le travail et sa qualité » pour comprendre et agir contre le mal-travail. « C’est très largement par et dans le travail que la possibilité même d’une vie humaine décente sera préservée ou finira par être détruite. »

L’hypothèse que je voudrais soumettre à la discussion aujourd’hui est la suivante [1] : les défaites subies par le salariat depuis trente ans et l’ampleur inédite de la dégradation de la santé au travail nous obligent sans doute à réfléchir à de nouvelles stratégies fondées non sur la préservation ou l’approfondissement des institutions du salariat mais sur un dépassement du rapport salarial en tant que rapport de subordination.

Les conquêtes sociales du fordisme reposaient sur l’acceptation par les salariés d’un contrat de travail où ils échangeaient leur force de travail et leur libre-arbitre dans l’entreprise contre un salaire et une protection sociale. Ce face-à-face conflictuel entre patrons et salariés dans l’espace privé de l’entreprise, qu’on pourrait appeler la « citadelle du travail », a donné des résultats précieux que nous défendons aujourd’hui pied à pied. Mais le patronat s’est échappé de la citadelle en mondialisant le capital : le libre-échange, la libre-circulation des capitaux et la financiarisation de l’entreprise nous confrontent directement au marché mondial qui nous écrase.

Restés enfermés dans notre citadelle, nous la voyons démontée pierre par pierre par les réformes néolibérales du travail et de son organisation, qui décuplent les inégalités, précarisent nos vies, détruisent notre santé, celle de nos concitoyen.ne.s et de la planète.

Tout en continuant à défendre nos droits acquis, ne devrions-nous pas passer à l’offensive ? (...)

Faire prévaloir un point de vue commun

La construction de ces alliances entre salariées et salariés, usagers et défenseurs des écosystèmes est l’une des tâches les plus importantes pour les mouvements sociaux. Elle sera plus aisée si les travailleuses et travailleurs parviennent ensemble à faire prévaloir un point de vue commun sur le travail de qualité, à distance des exigences actionnariales, et à imposer à partir de là d’autres critères de gestion des entreprises que celui d’une rentabilité financière élevée et de court-terme.

En même temps, cette reprise en main du travail par les travailleuses et les travailleurs sera plus facile si elle s’appuie sur les attentes des parties prenantes extérieures à l’entreprise, sur les aspirations des citoyennes et des citoyens à une production de qualité, seule garante de la préservation des équilibres écologiques et de la démocratie. Comme le dit Yves Clot, « c’est le fond de la question écologique : on ne peut pas vouloir sauvegarder la planète en piétinant le travail » [2]. Car c’est très largement par et dans le travail que la possibilité même d’une vie humaine décente sera préservée ou finira par être détruite.