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Alerte, la reconnaissance faciale met un pied dans l’espace public
#securite #police #surveillance #repression #senat #technopolice
Article mis en ligne le 14 juin 2023

Le Sénat a voté lundi une proposition de loi autorisant pour trois ans l’expérimentation de cette technologie particulièrement intrusive. De quoi s’inquiéter pour les libertés publiques.

Je crois que nous n’avons pas les moyens de garantir que [la reconnaissance faciale] ne sera pas utilisée contre les citoyens sous un autre régime. » La prédiction inquiète n’est pas signée d’un magistrat prudent ou d’une personnalité technocritique. C’est du Gérald Darmanin dans le texte. Et pourtant, malgré l’inhabituelle tempérance du ministre de l’Intérieur, le Sénat a voté ce lundi 12 juin (226 voix pour, 117 contre) une proposition de loi autorisant pour trois ans l’expérimentation de la technologie dans l’espace public. (...)

Le timing interroge. Le gouvernement a promis de ne pas tester cet outil particulièrement intrusif pendant les jeux Olympiques mais, avec la promulgation de la loi JO il y a moins d’un mois, a ouvert la voie à l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique, qui durera jusqu’à juin 2025. Pire, ce scrutin intervient au moment même où l’Union européenne, dans le cadre du règlement sur l’intelligence artificielle, songe à interdire la reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public – un vote devrait avoir lieu le 14 juin. (...)

Devant la commission des lois, le secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), Louis Dutheillet de Lamothe, pointant « une rupture fondamentale pour l’exercice de nos libertés publiques » commandée par l’urgence, a averti que : « C’est dans ces circonstances que les risques d’erreur sur la personne ou d’intervention d’un biais discriminatoire sont les plus élevés, avec des conséquences concrètes potentiellement importantes. » D’autant plus que l’addiction policière en matière de technologies sécuritaires laisse craindre un recours systématique : à titre de comparaison, dans le mois qui a suivi la publication des décrets d’application sur l’utilisation des drones, les préfets les ont déployés plus de 50 fois, pour surveiller manifestations, rodéos urbains ou rave parties.
Populisme technologique

D’autres usages sont prévus, comme l’exploitation de la reconnaissance faciale a posteriori par les services de renseignement ou sous le contrôle d’un juge pour les infractions les plus graves (terrorisme, trafic d’armes, atteintes aux personnes punies d’une peine de cinq ans de prison au moins, recherche de personnes disparues ou en fuite). Ce n’est ici qu’une semi-nouveauté. (...)

Dans un climat social délétère, alors que l’Intérieur criminalise de plus en plus les militants, notamment écologistes, la proposition de loi est remarquablement muette sur les impasses largement documentées de la reconnaissance faciale, des biais discriminatoires (notamment contre les personnes noires) à la persistance de « faux positifs » (92 % de signalements erronés lors de la finale de Ligue des Champions à Cardiff en 2018, tout de même). Un industriel du secteur nous le confiait lui-même il y a quelques années : « Le bouton magique pour trouver le terroriste, ça n’existe pas. »

Mais la droite sénatoriale, prise dans un élan de populisme technologique, se moque de l’absence d’étude démontrant l’utilité de cette nouvelle lubie. Seule compte la démonstration de force. (...)

Le texte doit maintenant être examiné par l’Assemblée nationale.