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Libération
Alexandre Dézé : « Les médias accordent une attention démesurée au FN »
Le politiste Alexandre Dézé analyse la relation entre les médias et Marine Le Pen et pointe la banalisation dont celle-ci profite.
Article mis en ligne le 17 décembre 2015
dernière modification le 14 décembre 2015

(...) il faut bien reconnaître que les médias accordent une attention démesurée au FN. A-t-on entendu parler d’autre chose pendant la campagne ? Pas vraiment. Et comme l’a révélé l’Argus de la presse, Marine Le Pen a été une nouvelle fois la personnalité politique la plus médiatisée au cours de ces dernières semaines. Il faut comprendre que le FN est très rentable pour les médias. Il fait vendre.

Cela a toujours été comme ça, y compris du temps de la présidence de Jean-Marie Le Pen. Les médias s’intéressent donc d’autant plus au FN. Or cette surexposition n’a fait que servir les intérêts du parti. Elle a contribué à normaliser sa présence, elle a permis à Marine Le Pen de diffuser son storytelling, celui de la dédiabolisation : une vraie fable politique, celle de la transformation supposée du FN en un parti comme les autres, découpée en de multiples épisodes susceptibles d’alimenter le programme des chaînes d’information en continu… (...)

certains journalistes tendent aujourd’hui à considérer Marine Le Pen comme une « femme politique normalisée » – je reprends l’expression de l’un d’entre eux – et le FN comme un parti « dédiabolisé ». Alors que le FN n’a finalement guère changé, et que Marine Le Pen tient globalement le même discours que son père, exception faite des positions antisémites ou négationnistes. Mais une inflexion s’est tout de même produite dans le rapport entre médias et FN, même si bien sûr, il ne s’est pas homogénéisé. On a pu le constater avec le positionnement éditorial adopté la semaine dernière par la Voix du Nord. Malgré tout, les 120 journalistes qui composaient le jury du Trombinoscope ont bien attribué en janvier dernier le prix de l’élu local de l’année à Steeve Briois. Et récemment, David Pujadas a quand même pris soin de faire remarquer à Marine Le Pen qu’elle avait « affiché de la responsabilité, de la modération », après les attentats du 13 novembre. (...)

Marine Le Pen n’est pas seulement traitée comme la présidente du FN, mais aussi comme une people politique : ses problèmes de couple ont été placés sous les feux de l’actualité par le magazine Closer ; l’un des suppléments « Styles » de l’Express a fait l’inventaire de ses différentes coupes de cheveux ; l’hebdomadaire féminin Elle s’est intéressée à sa garde-robe ; elle est invitée sur les plateaux des émissions d’« infotainment », où par définition, on parle du FN tout en se divertissant… En somme, le traitement médiatique du leadership frontiste s’est aligné sur certaines des nouvelles modalités de traitement de l’actualité politique, qui tendent non seulement à désacraliser la politique, autrement dit, à n’en faire qu’une sphère sociale profane parmi les autres, mais aussi à la dépolitiser. Il reste qu’en dévoilant l’ordinaire de la vie de Marine Le Pen, ces médias ont contribué à rendre la présidente du FN un peu plus « ordinaire »… De cette manière, ils ont bien participé à son entreprise de « normalisation ». (...)

réaffirmer les principes et les valeurs de ce pays, avec lesquels nombre d’orientations du FN entrent en contradiction, ne suffira pas. Tant que le FN sera placé au cœur de la vie politique française, tant que son offre fera l’objet d’une telle convoitise politique, tant qu’il sera l’objet d’une telle focalisation médiatique, mais aussi, tant que certaines attentes de l’électorat n’auront pas été prises en compte, on peut supposer que le FN continuera de prospérer.