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Libération
Allocution de Macron : tout ça pour ça ? par les Pinçon-Charlot
Par Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, sociologues, anciens directeurs de recherche au CNRS — 26 avril 2019
Article mis en ligne le 27 avril 2019

(...) Le président de la République a réglé le profond sentiment d’injustice par des diatribes répétées sur le fait que, désormais, il placerait l’homme au cœur de son projet et il n’a pas hésité à reprendre le slogan des forces de gauche : « L’humain d’abord ! » Les déclarations alambiquées et manipulatoires telles que « redonner à chacun une espérance de progrès en demandant à chacun d’être dans le meilleur de lui-même » ont fait florès, tout comme celle-ci : « On ne bâtit pas sur la haine de soi et dans la jalousie des autres ! »

Emmanuel Macron n’a donc remis en question, à aucun moment de son allocution, les cadeaux fiscaux faits aux plus riches dès son arrivée à l’Elysée : pas question de rétablir l’ISF, dont la suppression « permet l’investissement », selon lui. « Je défends cette réforme pragmatique, on verra en 2020, car il s’agit d’une réforme pour produire et pas pour enrichir les plus fortunés », a-t-il déclaré. En effet, Emmanuel Macron a constitué un « comité d’évaluation des réformes sur la fiscalité du capital » qui doit rendre un rapport à l’automne 2019 dans le cadre du projet de loi de finances 2020. Ce comité est installé à France stratégie depuis le 20 décembre 2018, et son commissaire général, Gilles Jacquin de Margerie, est un des généreux donateurs de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, ayant été nommé à ce poste par décret le 12 janvier 2018. [Voir le portrait sociologique que nous en avons dressé dans le Président des ultra-riches (pages 59 et 60).] Ce comité, qualifié de « comité de suivi indépendant », comprend quatorze membres et est piloté par France stratégie, mais aussi par le Conseil d’analyse économique, deux organes d’expertise économique rattachés à Matignon – c’est dire qu’il mérite son statut d’« indépendant » ! On peut donc faire l’hypothèse d’une évaluation extrêmement positive de la suppression de l’ISF sur l’investissement économique et productif. (...)

Il n’a pas été non plus question, dans cette allocution, des coûts financiers liés à la fraude fiscale et à la délinquance financière.

Le capitalisme reste arrimé à une démocratie pseudo-représentative, ce duo permettant le contrôle autoritaire de l’exécutif auquel il n’est pas question de toucher avec l’écartement du vote obligatoire (« Je ne retiendrai pas cette option car on ne répond pas à la crise démocratique par la contrainte ») et le refus de la reconnaissance du vote blanc dans les suffrages exprimés (« Je ne retiendrai pas cette option car je suis pour l’efficacité, on doit choisir, le vote blanc n’est que l’agrégation des rejets »). (...)

Avec la suppression de l’ENA et de son concours qui garantit le mérite, Emmanuel Macron veut accentuer encore plus la mainmise du privé, avec la cooptation entre héritiers, sur ce qui relève encore de l’Etat et des forces publiques. La pieuvre oligarchique aura donc de nouvelles terres à défricher. (...)

Quant aux plus modestes, ils devront remercier le prince charmant d’avoir bien voulu restaurer l’indexation des retraites de moins de 2 000 euros sur l’inflation ! Mais il ne s’agit pourtant que d’une mesure de justice purement corrective. Il faudra, pour sa mise en œuvre, attendre tout de même le 1er janvier 2020 ! (...)

Le président des ultra-riches va poursuivre sa politique au service des capitalistes, en donnant de temps en temps quelques miettes au bon peuple pour calmer sa colère.