
Amnesty international accuse l’Arabie Saoudite et les forces de la coalition arabe qui interviennent au Yémen de bombarder délibérément les villes densément peuplées, et donc les populations civiles. Plus de 2000 civils et des centaines d’enfants auraient péri depuis le début des opérations, il y a sept mois. Le royaume saoudien utilise également des bombes à sous-munitions interdites par une convention internationale. Cela ne semble pas empêcher l’Allemagne, les Etats-Unis ou la France de continuer de lui vendre des armes, en violation des traités signés.
Depuis mars 2015, l’Arabie Saoudite mène une opération militaire au Yémen pour contrer les rebelles houthistes et soutenir le gouvernement régulier. Amnesty International avait déjà alerté avant l’été sur les nombreuses victimes civiles du conflit, touchées à la fois par des tirs de la coalition et par ceux des insurgés houthistes. Le 7 octobre, l’ONG a publié un nouveau rapport sur les victimes civiles de cette guerre oubliée du Yémen. « Depuis le 25 mars 2015, plus de 4000 personnes ont été tuées dans le conflit yéménite. La moitié d’entre eux sont des civils, dont des centaines d’enfants », rappelle Amnesty. Dans ce ce nouveau rapport, l’ONG documente plus précisément treize bombardements menés par la coalition menée par l’Arabie saoudite [1]. Ceux-ci ont eu lieu entre mai et juillet. Selon l’enquête réalisée sur place par Amnesty, ces frappes ont tué quelque 100 civils, dont plus de 50 enfants. (...)
Des civils visés par des frappes multiples
« Le fait que de larges zones à forte densité de population soient désignées comme cibles militaires et que des habitations civiles soient ciblées de manière répétée montre que les forces de la coalition ne prennent pas les précautions nécessaires pour épargner les civils, comme l’exige le droit international humanitaire », a déclaré Donatella Rovera, qui a conduit la mission d’Amnesty au Yémen. Selon l’ONG, de nombreuses frappes de la coalition saoudienne sont donc illégales. Certaines pourraient même constituer des crimes de guerre.
Amnesty accuse aussi la coalition d’utiliser des bombes à sous-munitions, également fabriquées par des firmes états-uniennes (Aerojet et Honeywell) : « Les chercheurs d’Amnesty International ont retrouvé les restes de deux types de bombes à sous-munitions, les sous-munitions BLU-97 et leurs disperseurs (CBU-97), et les CBU-105, armes sophistiquées amorcées par capteur. Les bombes à sous-munitions, prohibées par le droit international, dispersent d’innombrables petites bombes sur une large zone. ». L’utilisation des armes à sous-munitions est interdite par une convention de l’ONU depuis 2010.
L’ONG demande l’ouverture d’une enquête internationale indépendante sur le conflit au Yémen. Et appelle à suspendre les transferts d’armes vers l’Arabie saoudite, notamment ceux de bombes, d’avions de chasse, d’hélicoptères de combat et de pièces et composants associés. (...)
Des transferts d’armes prohibées par le Traité sur le commerce des armes ?
L’Arabie Saoudite est le plus gros client des fabricants d’armes français en terme de volume financier des contrats. À lui seul, le royaume saoudien a passé plus de 3 milliards d’euros de commandes en 2014. Entre 2013 et 2014, l’Arabie saoudite a par exemple importé ou commandé à la France des missiles anti-aériens, des canons, des missiles anti-chars ou encore des blindés [3].
Les exportations d’armes vers l’Arabie saoudite se sont-elles poursuivies depuis le début du conflit yéménite ? Oui, si l’on en croit les réponses des gouvernements britannique et allemand aux inquiétudes de leurs parlementaires. (...)
« Tous les États ont la responsabilité légale de contrôler les transferts d’armes et de les prohiber dans certaines circonstances », rappelle Amnesty. L’article 6 du Traité sur le commerce des armes [5], qui est entré en vigueur fin 2014, stipule en effet qu’un État ne doit autoriser aucun transfert d’armes « s’il a connaissance que ces armes pourraient servir à commettre des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels ».