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Anatomie d’une campagne médiatique contre la gauche (1/3)
Article mis en ligne le 14 mai 2022
dernière modification le 13 mai 2022

« Illusionniste », « prestidigitateur », « chefs à plume », « petites cervelles », « fascisme à visage humain », « Polichinelle hâbleur », « escroquerie », « chiens », « pitbulls », « danger pour la France », « insurgé de prédilection »… La campagne de la France insoumise pour les élections législatives, à laquelle se sont ralliées les autres formations de la gauche parlementaire (Générations-EELV-PS-PCF), a littéralement déchaîné les médias dominants. Éditorialistes et journalistes politiques ont orchestré, du PAF aux grands quotidiens nationaux, une cabale d’une rare violence que nous traiterons en trois temps : 1) Mépriser, délégitimer : l’Union populaire n’adviendra pas ; 2) Stigmatiser : haro sur les « islamogauchistes » ; 3) Traquer : sus aux « déviants » de la social-démocratie. Premier mouvement.

Aussitôt Emmanuel Macron réélu, les chiens de garde sécurisaient le périmètre de la « démocratie » en étouffant les critiques. « Dire du président qu’il a été "mal élu" ? C’est "ébranler la légitimité du vote, et par là même les fondements de la démocratie représentative" pour Le Monde. C’est "alimenter une défiance dans les institutions, dans notre système démocratique" pour David Pujadas. Des syndicats qui souhaitent être pris en compte ? "C’est factieux !" s’indigne Jean-Michel Aphatie. » Ce n’était là qu’un début.

« Des gens dangereux » (...)

C’est donc de (violent) concert avec l’extrême droite que les chantres de « l’extrême centre » pointent, d’un seul et même doigt, le péril de l’époque : la France insoumise et l’union de la gauche. Sur LCI, Jean-Michel Aphatie prévenait ses confrères (29/04) :

Le fond de l’affaire, c’est qu’on dit que Marine Le Pen n’est pas républicaine, n’est pas démocrate, très bien, ça fait vingt ans qu’on fait une danse là-dessus à l’extrême-droite ! Et la France Insoumise, elle est comment ? Quel attachement à la démocratie et aux valeurs ?

L’éditocratie poursuivra précisément sur cette lancée. (...)

Dans Le Figaro (6/05), Ivan Rioufol monte d’un cran : « S’il y a un totalitarisme qui vient, c’est au cœur de la gauche marxiste et révolutionnaire qu’il faut le traquer, comme toujours historiquement. » (...)

Sur LCI (6/05), Jean-François Kahn qualifie sans rire les Insoumis de « néo-bolcheviks ». « Un parti factieux, séditieux ? » interroge de son côté Frédéric Haziza (Radio J, 8/05). « Une secte » affirmait deux jours plus tôt Philippe Val (Europe 1, 6/05) (...)

Le 2 mai, date de l’accord entre la France insoumise et Europe Écologie les Verts (EELV), David Reyrat, journaliste sportif au Figaro, synthétise : « Pour être certain de ne pas être coincé dans une faille temporelle. On parle bien en 2022 de porter au pouvoir en France des trotskistes, des maoïstes, des communistes, des khmers verts. En 2022. En France. (...)

Le magazine hebdomadaire des Échos fait campagne plus qu’à son tour, et directement par la voix de son directeur adjoint de la rédaction : « Mélenchon ou la défaite de la raison » titre-t-il son édito (2/05). (...)

Un crachat que reprend en écho le rédacteur en chef adjoint de L’Est Républicain, dans l’édito qui garnit les huit titres du groupe Ebra – propriété du Crédit Mutuel (28/04) (...)

Un désespoir partagé par l’une des grandes figures macronistes du Monde, Françoise Fressoz, qui aligne les formules de courtoisie à l’égard de Jean-Luc Mélenchon : « Trublion », « prestidigitateur », « acteur talentueux, doublé d’un séduisant bonimenteur. (...)

Pendant ce temps sur Twitter, Raphaël Enthoven enthovenise :

UE, OTAN, Syrie, Russie, gilets jaunes, vaccins, oligarchie, populisme, mépris de la constitution... L’avenir de LFI est dans l’alliance avec le RN, plutôt que dans une OPA sur la gauche dont les autres membres doivent renoncer à leur identité pour gratter quelques circos. (2/04)
(...)

« OPA », « coup de force », « au forceps », « destruction », « soumission ». Partout, le champ lexical mobilisé pour décrire le processus d’accord est celui de la violence, les journalistes politiques moulant leur discours dans les diatribes et le narratif des grands pontes du PS qui refusent l’alliance avec la France insoumise. (...)

De la hargne à l’insulte, il n’y a qu’un pas… que franchit également – comme de coutume –, et sans trébucher, le dessinateur du Point, Xavier Gorce : « Connaissez-vous cette vieille comptine ? "Ce petit animal a la peau si tendue ; Que quand il ferme un œil ; Il ouvre le trou du cul." Pourquoi le sourire de Mélenchon me la rappelle ? » (Twitter, 27/04) Une berceuse que lui inspire la fameuse affiche de la discorde.

Pile « hargne », face « moquerie »

Dans Paris Match (5/05), Gilles Martin-Chauffier met à profit son mépris pour réussir l’un des meilleurs portraits du moment : Jean-Luc Mélenchon en « insurgé de prédilection », « faire-valoir du pouvoir ». (...)

Puis, le 4 mai, L’Obs se joint au concert des petites mesquineries (...)

Sur « Quotidien » aussi, on se bidonne avec l’union de la gauche au moment d’interroger Julien Bayou à la sortie du local de campagne de la France insoumise : « Le couple LFI-EELV s’est fait hier. Là, c’est quoi le challenge quand on se met à faire un trouple ? » (...)

Enfin, après avoir vitupéré contre un rassemblement « navrant », « assez minable » et témoignant d’une « inconséquence politique » (LCI, 4/05), Jean-Michel Aphatie fanfaronne deux jours plus tard : « Hélas, le titre grille le suspense, c’est pas très grave ! Dans les bons films, on essaie de regarder jusqu’au bout ! » et joue les maîtres de foire du plateau (...)

Intermède : le 1er mai ? La violence

Pour ne pas rompre le rythme, il va sans dire qu’au lendemain du 1er mai, comme le jour même, les médias dominants concentrent leurs forces éditoriales sur « les violences » de la manifestation (parisienne). Les chaînes d’info en continu diffusent en boucle l’agression d’un pompier par une manifestante, tandis que France Inter se fend d’une brillante exclusivité : le « soutien à Mélenchon » de la manifestante en question, sur la base d’une exégèse de tweets qui permit à la rédaction de dénicher l’arme du crime : « Un selfie dans l’isoloir avec un bulletin Mélenchon » (2/05).

Le soir dans « C dans l’air » (France 5, 2/05), on apprendra par Fanny Guinochet que les militants autonomes « souvent s’en prennent […] aux biens publics » comme « l’hôpital » avant que Caroline Roux mentionne seulement la revendication des salaires entre deux virgules… pour mieux embrayer : « Les Français auront surtout vu des scènes de violences, de pillages, en marge de cette manifestation. »

(...)