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Anatomie du « Mein Kampf » djihadiste
Un texte publié en 2004, vraisemblablement écrit par un cadre d’al-Qaida, théorise les trois étapes de la guerre de conquête.
Article mis en ligne le 29 mars 2018

En 2004, un certain Abu Bakr Naji a publié sur internet un texte en langue arabe, qu’il a intitulé L’administration de la sauvagerie : l’étape la plus critique que traversera l’oumma. (...)

103 pages de discours de haine, contre le juif, contre le chrétien, contre l’apostat, contre la démocratie et ses valeurs. À tel point que certains ont qualifié ce brûlot de Mein Kampf du petit djihadiste.

L’intérêt de ce livre est qu’il nous met –dès le titre– devant le paradoxe du djihadisme, qui d’un côté prône le déchaînement de la sauvagerie, l’installation de la loi de la jungle, avec l’appel à la destruction de l’ordre ancien, et en même temps théorise la gestion de cette sauvagerie et son « administration ».

Pour l’auteur, les mouvements islamistes du monde arabe qui ont choisi de pactiser avec le pouvoir en place ou de jouer le jeu des élections ont tous échoué. Il revient notamment sur le cas de la Tunisie, où le mouvement islamiste a évité l’affrontement armé avec le pouvoir de Bourguiba et de Ben Ali. Le lent travail d’islamisation de la société par le bas, pratiqué depuis les années 1970, n’a pas réussi à donner le pouvoir aux mouvements islamistes.

Pour éviter cet écueil, Abu Bakr Naji préconise la politique de la sauvagerie et de la terreur, espérant rassembler autour des djihadistes une population fatiguée du désordre et prête à se soumettre à l’ordre promis par ces derniers : c’est par le djihad que la conquête du pouvoir devra se faire.

L’étape de la démoralisation (...)

Les deux registres de la manipulation
Comment ce discours de la sauvagerie et de la barbarie arrive-t-il à séduire autant de monde ? Ces jeunes terroristes qui se présentent comme les nouveaux barbares attirent à eux, parce qu’au-delà de leur discours de haine, ils promettent de réaliser la cité idéale sur terre. La manipulation s’opère selon au moins deux registres : celui de la justice, donc d’une certaine forme de rationalité, et celui de l’affectif. (...)

Guerre totale et éternelle
Si l’auteur situe la bataille au niveau des médias, c’est parce qu’il se montre soucieux de toucher le plus grand nombre possible de masses musulmanes. S’adresser à ces dernières, en se détournant des milieux islamistes traditionnels où les militants sont sous l’emprise de leurs chefs, permettrait de recruter de nouvelles troupes de djihadistes subjugués par ce discours radical millénariste et apocalyptique, qui promet de sauver le monde en le détruisant.

Il est illusoire de croire qu’en réglant la question du chômage ou de l’exclusion, le djihadisme sera vaincu : dans l’esprit du djhadiste, la guerre ne peut être que totale et éternelle.

L’analyse de l’ouvrage d’Abu Bakr Naji dévoile les ressorts sur lesquels repose le discours djihadiste : une vision certes médiévale mais toujours vivante d’une terre coupée en deux (...)