
L’« affaire Moix » offre une nouvelle occasion de mesurer la rectitude et l’indépendance qui règnent dans le landerneau médiatico-culturel. Dans le grand monde des petites vertus littéraires, comment quelqu’un dont les abjections sont à ce point avérées et durables peut-il continuer de se répandre si fréquemment dans les médias, plus encore, même, qu’avant la divulgation de ses écrits et dessins racistes et antisémites ?
C’est que le sulfureux Rastignac ne manque pas de soutiens dans les lettres françaises. Rappelons d’abord que Grasset, éditeur de notre écrivain meurtri, est composé d’un triumvirat Olivier Nora - Jean-Paul Enthoven - Bernard-Henri Lévy, lequel n’a pas tardé à réagir aux récentes révélations. Le premier, dans une audacieuse tentative d’euphémisation, n’a pas voulu s’épancher au sujet de caricatures parues jadis dans un « fanzine lycéen lu par quinze personnes ». Le second en revanche, mi-exalté, mi-nostalgique, n’a pu se contenir : « Je l’ai beaucoup aimé, il est fou mais c’est l’écrivain le plus talentueux que j’aie publié. »
Quant au troisième, il s’est fendu d’un de ses poignants bloc-notes. Yann Moix y a promptement répondu au micro de l’émission « Signes des temps », diffusée sur France Culture, et animée par un autre ami, Marc Weitzmann, à qui il a fait un aveu : « On se dit tout Marc, on se connaît bien ; en tout cas, Marc, de moi à vous, je vous estime. Véritablement, vous le savez. » Et de poursuivre, cette fois-ci au sujet de BHL, autre compagnon de route : « Je suis bouleversé par la réaction de Bernard-Henri Lévy… Je suis allé voir Bernard pour lui proposer des manuscrits. Je dis Bernard car Bernard est un ami. » (...)
Fort heureusement, la veille de son passage sur France Culture, Yann Moix avait également pu compter sur Laurent Ruquier, son ex-employeur, et ses deux chroniqueurs du jour, Adèle Van Reeth et Franz-Olivier Giesbert, pour lui dérouler complaisamment le tapis rouge sur une chaîne de télévision publique, afin qu’il puisse se repentir à son aise. Privilège d’entre-soi, du reste, totalement assumé par la productrice de l’émission « On n’est pas couché » mais également de… « Chez Moix », animée par l’intéressé sur Paris Première en 2018. (...)
Yann Moix décidera en son âme et conscience de « mettre un terme » à la promotion de son dernier opus, « choisissant de se mettre en retrait des médias ». Jusqu’à quand ?