
L’exécution des deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verdon, par un groupe terroriste, est un acte ignoble devant lequel il n’y a pas de qualificatif possible. Ce crime contre la liberté d’expression, contre la liberté de la presse, contre la liberté tout court, n’empêchera pas les journalistes de RFI et de tous les médias de continuer leur travail sur le terrain. Il est indispensable pour comprendre une situation qui dégénère chaque jour un peu plus. (...)
Ghislaine Dupont et Claude Verdon étaient à Kidal pour préparer un reportage sur la situation dans cette région du Nord-Mali avant les élections législatives. Ils venaient d’interroger un responsable du MNLA (Mouvement national de Libération de l’Azawad) quand ils ont été enlevés et abattus par des tueurs qui parlaient la langue touareg.
Ces premières données nous permettent de saisir quelques éléments de la situation qu’ils cherchaient à décrire : les racines de la crise malienne sont toujours présentes. L’opposition des touaregs à la domination de l’Etat central malien est toujours aussi puissante. Elle se double désormais d’un conflit entre les laïcs du MNLA et les partisans du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest), d’Ansare Dine et d’Aqmi.
Capitale des mouvements touaregs, la ville de Kidal est l’épicentre de ce conflit. Nous sommes donc revenus à la case départ : avant l’intervention des groupes armés islamistes, avant le coup d’Etat qui renversa le président malien de l’époque, avant l’intervention française de janvier dernier. Cela signifie que la guerre n’est pas terminée, que l’armée française est là pour longtemps, que ce que j’avais décrit l’année dernière comme un enlisement est maintenant devenu une réalité.
Le « message » que vient d’envoyer la nébuleuse terroriste à l’armée française et à François Hollande est d’une clarté limpide : vous avez gagné une bataille mais vous n’avez pas gagné la guerre.
La France est maintenant prise au piège
Lorsque l’on s’engage dans une guerre, il faut en définir les buts. La volonté d’« éradiquer » le terrorisme dans cette région, comme le prétendait le gouvernement, ne peut être qu’illusoire. Ce mal a des racines sociales, culturelles, politiques, qui sont alimentées bien au-delà de l’action des groupes djihadistes.
Ghislaine Dupont et Claude Verdon ont été assassinés au moment où se tenaient les Assises du Nord, qui devaient permettre aux acteurs maliens du Nord et du Sud d’arriver à un compromis. La France, qui n’a jamais été claire quand à ce qu’elle soutenait comme projet pour cette région, qui a surfé sur le rejet justifié de l’emprise terroriste par l’immense majorité des Maliens, est maintenant prise au piège. (...)