
Cette tribune a été rédigée par Anaïk Purenne, sociologue, chargée de recherche à l’université de Lyon, École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE), Hélène Balazard, chercheure en science politique à l’université de Lyon, ENTPE, Julien Talpin, chargé de recherche en science politique au CNRS, université de Lille, Marie-Hélène Bacqué, sociologue, urbaniste, université Paris-Nanterre – Université Paris Lumières, et Marion Carrel, maîtresse de conférences en sociologie, habilitée à diriger des recherches, université de Lille.
Service public de première ligne, la police peut-elle rester sourde au renforcement des exigences démocratiques à son égard ? Dans un contexte de crise de la démocratie représentative et de foisonnement des voix mettant en cause l’usage de la force, la participation des citoyens peut-elle aider à refonder démocratiquement les politiques de sécurité ? Une convention citoyenne sur la sécurité au niveau national, inspirée de la récente convention citoyenne sur le climat, et des expérimentations pratiques au niveau local pourraient aller de pair pour sortir de l’impasse. (...)
S’il reste, en France, un domaine perçu comme l’apanage des professionnels et de l’État, c’est bien celui de la sécurité. Comme les politiques de maintien de l’ordre, la sécurité se caractérise par un « splendide isolement », qui concourt à une véritable sclérose des recettes d’action publique et à une défiance croissante de la population. Cet isolement se déploie sur plusieurs fronts.
Tout d’abord, alors que de nouveaux modèles d’action comme le community policing, une politique qui vise à rapprocher la police de la population pour mieux répondre à ses attentes, se sont diffusés dans le monde entier pour refonder l’usage démocratique de la force, la France a raté le tournant. (...)
Les travaux sur la démocratie participative ont montré la plus-value de l’expertise profane et de l’intelligence collective pour « agir dans un monde incertain ».
Plusieurs expérimentations de conférences citoyennes « hybrides » sur les rapports police/population en région Auvergne-Rhône-Alpes et dans l’Yonne confirment que les habitants, du fait non seulement de leur expertise en tant qu’utilisateurs du service public, mais aussi de leur qualité de citoyen, ont des choses pertinentes à dire sur la sécurité. (...)
Les travaux sur la démocratie participative ont montré la plus-value de l’expertise profane et de l’intelligence collective pour « agir dans un monde incertain ».
Plusieurs expérimentations de conférences citoyennes « hybrides » sur les rapports police/population en région Auvergne-Rhône-Alpes et dans l’Yonne confirment que les habitants, du fait non seulement de leur expertise en tant qu’utilisateurs du service public, mais aussi de leur qualité de citoyen, ont des choses pertinentes à dire sur la sécurité. (...)
Un processus transparent et délibératif permettrait de renouveler la « boîte à outils » de l’action publique (...)
Des citoyens « profanes » choisis par tirage au sort débattraient, pendant plusieurs mois, des arguments d’intervenants aux profils, idées et approches diversifiés : experts, représentants de la police et de la gendarmerie, associations et organismes de défense des droits, chercheurs, etc.
Un tel processus, transparent et délibératif, permettrait de proposer une série de mesures visant à renouveler la « boîte à outils » de l’action publique.
Quelques pistes de thématiques en prise avec les mobilisations actuelles et avec les propositions issues de la conférence citoyenne de consensus de Vaulx-en-Velin peuvent être envisagées à ce stade. (...)
La confiance des citoyens envers la police est une condition d’efficacité de celle-ci
La question des techniques d’intervention et de leurs effets — clé d’étranglement, placage ventral... — mérite aussi d’être explorée collectivement en faisant appel à des expertises pluralistes (policiers, chercheurs, associations, etc.) et en explorant les pratiques d’autres pays comme la Grande-Bretagne. (...)
La transparence de l’action publique et la reddition de comptes méritent également d’être travaillées. Certains services de police étrangers, comme la police de Montréal ou celle de Toronto, au Canada, diffusent régulièrement le nombre de blessés et de tués au cours d’interventions policières, des données relatives à l’usage des armes, le nombre de plaintes visant des policiers ou encore le taux de poursuites, ce qui permet aux citoyens, aux chercheurs ou aux médias d’exercer une vigilance quant à l’usage de la force et à sa conformité aux règles déontologiques et professionnelles. Or, en France, l’accès à des données exhaustives demeure au bon vouloir des institutions, ce qui contribue à entretenir la défiance. (...)
L’expérimentation de modes d’action alternatifs pourrait être menée dans des communes volontaires (...)