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Rue 89 / Nouvel Observateur
Après les chrétiens, les yézidis d’Irak massacrés par les djihadistes
Article mis en ligne le 7 août 2014

Ça s’est passé cette semaine au Parlement de Bagdad : une élue interpelle ses collègues sur le sort de la minorité yézidie en train d’être attaquée et massacrée par les djihadistes de l’Etat islamique dans le nord de l’Irak. L’émotion est forte, la députée est au bord des larmes, ses collègues restent silencieux, regardent le sol.

La jeune femme non voilée, Vian Dakhil, s’exclame alors :

« Nous sommes massacrés au nom de la doctrine “La ilaha illallah [il n’y a de Dieu qu’Allah, ndlr]”. »

« Je vous en supplie, au nom de l’humanité »

(...) Les yézidis sont rattachés aux Kurdes, notamment par la langue ; ils sont non-musulmans, adeptes d’une religion monothéiste qui tire ses racines de l’Iran ancien mais a incorporé des éléments d’autres cultes, notamment le baptême chrétien et des rites de l’islam soufi. Ils seraient de l’ordre de 300 000 dans le nord de l’Irak, avec d’autres minorités dispersées dans la région, jusque dans les ex-républiques soviétiques du Caucase.

Leur ennemi, aujourd’hui, ce sont les djihadistes de l’Etat islamique (EI, ex-Etat islamique en Irak et au Levant), qui sont passés à l’offensive en juin dernier, capturant Mossoul après avoir mis en déroute une armée irakienne qui n’a même pas combattu.

Les combattants de l’EI sont des djihadistes sunnites, alliés à d’anciens éléments de l’armée baassiste de Saddam Hussein, qui avancent, drapeau noir au vent, pour imposer leur foi et combattre les « hérétiques ». Tous les hérétiques : l’ennemi héréditaire chiite au pouvoir à Bagdad, bien sûr, mais aussi les chrétiens chassés de Mossoul, et les autres minorités religieuses au nombre desquels les yézidis.

Exécutions et exode

Dimanche dernier, les djihadistes se sont emparés de la principale ville de la communauté, Sanjar, près de la frontière syrienne, pourtant défendue par des guerriers kurdes, apparemment moins bien armés que les assaillants. Selon des témoignages, 30 personnes auraient été exécutées dans cette ville par l’EI pour avoir refusé de se convertir à l’islam. (...)

Face à l’avancée des djihadistes, les populations yézidies s’enfuient. Selon les humanitaires des Nations unies, plusieurs dizaines de milliers de personnes seraient actuellement réfugiées dans les montagnes désertiques de Sanjar, privées d’eau et de ravitaillement. Des dizaines d’enfants auraient déjà trouvé la mort par déshydratation (...)

Persécutés avant et sous Saddam Hussein, victimes collatérales de la guerre civile consécutive à l’invasion américaine de 2003 (un blog du Monde rappelle qu’en 2007, ils avaient été victimes du pire attentat jamais commis sur le sol irakien : quatre camions suicides avaient tué plusieurs centaines de personnes et fait d’innombrables blessés), les yézidis sont aujourd’hui l’une des cibles de l’avancée du djihadisme sunnite.

Ils se tournent vers les Kurdes, auxquels ils sont apparentés, les seuls dans l’Irak d’aujourd’hui, à pouvoir assurer un rempart face à l’avancée des djihadistes bien armés et déterminés. Des milliers de Yézédis se sont ainsi dirigés vers la zone autonome kurde du nord de l’Irak, protégée par les combattants peshmerga.

Les Kurdes se mobilisent pour faire face à l’avancée de l’EI, mobilisant les peshmerga et recevant même des renforts de Kurdes venus des autres pays de la région, Syrie et Turquie, et d’autres factions que celle qui contrôle le Kurdistan irakien. C’est la mobilisation générale pour un affrontement qui prend des allures de bataille décisive pour l’avenir de cette partie du Moyen-Orient et bien au-delà. (...)

Un des enjeux stratégiques est le contrôle du barrage de Mossoul (ex-barrage Saddam...), toujours aux mains des Kurdes mais dont les djihadistes souhaitent s’emparer, leur donnant un contrôle déterminant sur le nord du pays (...)