
L’utilisation de l’application de traçage numérique dédiée à la lutte contre le coronavirus a été validée hier par les députés. L’opposition de gauche dénonce une mesure inutile et dangereuse, qui ouvre la porte à une société de surveillance.
Ils n’ont pas dit « l’application StopCovid est votre meilleure amie », mais c’était tout comme. Mercredi, les membres du gouvernement chargés de défendre cet outil de traçage numérique faisaient mine d’avoir des auréoles virtuelles au-dessus de la tête. Tout se fera « dans le respect de l’État de droit », démarre Nicole Belloubet, qui jure qu’il ne s’agit en aucun cas d’établir « un fichage de nos concitoyens » ou de les géolocaliser. « La démarche est volontaire, libre et gratuite », insiste la ministre de la Justice, devenue préposée à la promotion d’un nouveau produit miracle. Olivier Véran vient très vite à la rescousse pour éclairer le public. Le « contact tracing » se traduit par « suivi épidémiologique », explique-t-il sans rire, là où « traçage des contacts » semblait plus approprié.
Mais le ministre de la Santé n’a pas que des leçons d’anglais à donner. Il est aussi philosophe. Arguant qu’il s’agit de permettre à ceux qui le souhaitent d’installer StopCovid sur leur téléphone portable, il s’exclame : « Au nom de quoi est-ce qu’on empêcherait cela ? Empêcher quelqu’un de se doter d’un outil qui lui permet de se protéger, ça c’est liberticide ! Je veux avoir la liberté de l’installer, de l’utiliser, et de la retirer si je le souhaite. » Le ministre tente ici d’inverser le paradigme et utilise un argument dangereux, car une surveillance généralisée n’a rien d’une liberté. (...)
« dans un bassin de vie et sans autre geste barrière, l’installation de cette application suffirait à elle seule à enrayer l’épidémie », lance enfin Cédric O, avant d’être sévèrement contredit par les députés d’opposition. L’insoumis Jean-Luc Mélenchon prend en premier la parole. « On ne peut oublier le nombre de lois liberticides qui ont été votées à votre demande, qu’il s’agisse de la loi asile et immigration, celle sur le terrorisme, les casseurs, les fake news, la réforme de la justice ou encore sur les contenus haineux sur Internet », démarre-t-il. Le climat de confiance, sur une question aussi sensible que celle des libertés fondamentales, n’est pas réuni.
Masquer « les carences » de l’exécutif
D’autant plus que cette application sera « inefficace » selon le député, qui rappelle qu’elle n’aura d’effet que si « 50 à 60 % de la population y adhèrent, or 25 % des Français n’ont pas de smartphone, dont les deux tiers des plus de 70 ans ». Alors pourquoi diable se lancer dans un tel projet ? « Je vous dis que le XXIe siècle vient de commencer avec ce virus et les méthodes qui ont été utilisées pour le juguler », tonne Jean-Luc Mélenchon, qui dit préférer « attraper le Covid-19 dans un pays libre que d’y échapper dans un État totalitaire ». (...)
Tel est l’enjeu pour les députés de gauche. Ne pas laisser s’installer une société de surveillance au motif de lutter contre le coronavirus. (...)
« Aurions-nous recours au traçage numérique si nous avions eu dès le début un nombre suffisant de tests et de masques pour couvrir les besoins du personnel soignant et de la nation ? » interroge le communiste Jean-Paul Dufrègne. Il n’a pas eu de réponse.