
Une nouvelle attaque de requins sur un surfeur a mis l’île de la Réunion en ébullition ce 6 août. Face à la recrudescence d’accidents de ce genre, de vives critiques ont été émises à l’encontre de la Réserve naturelle marine, tandis que les autorités ont approuvé une prochaine chasse « scientifique » dans le but précis de tuer 20 squales. Un spécialiste revient pour Futura-Sciences sur cet événement. Pour lui, les décisions prises ne sont pas les bonnes.
Futura-Sciences : La fréquence des attaques des requins survenant chaque année à la Réunion semble augmenter ces dernières années, elle aurait été multipliée par deux depuis 1980, sait-on pourquoi ?
Pascal Deynat : La présence des requins au large de la Réunion est connue depuis toujours et des précautions élémentaires sont constamment observées par la population locale. Malgré tout, le développement de nouveaux loisirs et d’une clientèle désireuse d’en « avoir pour son argent » ont parfois induit des comportements à risque, comme pratiquer des activités aquatiques au lever ou au coucher du soleil, périodes où les requins sont les plus actifs. Les concours de surf ouverts annuellement ont drainé sur place un nombre croissant d’estivants, augmentant par là même les probabilités de rencontres avec des prédateurs marins. (...)
L’existence de la Réserve naturelle marine de la Réunion est mise en cause, qu’en pensez-vous ?
Pascal Deynat : Contrairement à ce que l’on pense, les océans sont de véritables déserts nutritifs et la majorité de la biomasse marine est concentrée aux alentours du rivage et de la pente continentale.
Dans le cas de la Réunion, la réserve naturelle peut constituer un premier élément d’attrait pour les requins, mais également pour tous les autres prédateurs primaires ou secondaires. À partir du moment où la vie se développe sans nuisance anthropique, les relations entre proies et prédateurs s’effectuent de la même manière qu’elles le feraient sur terre. Les requins, placés au sommet de la chaîne alimentaire en tant que superprédateurs, continuent donc à se nourrir d’une manière ancestrale sans pour autant avoir la volonté d’inscrire de la viande humaine à leur menu. (...)
Le morcellement de la réserve naturelle ne servira à rien d’autre qu’à satisfaire les surfeurs et acteurs du tourisme local au détriment de la protection de la faune sous-marine qui pourrait bien plus profiter financièrement à l’île par développement de l’écotourisme encadré. Il faut en revanche étudier avec attention les fermes aquacoles et évaluer leurs rejets de manière impartiale sur une longue distance et en fonction des courants, ainsi que raccorder la totalité de l’île au réseau du tout-à-l’égout, avec stations d’épurations obligatoires. Ne pas contrôler les sources de nourriture potentielles et ne pas modifier la manière dont les eaux usées sont rejetées en mer consisterait à sonner la cloche du déjeuner en évoquant la fatalité tout en se voilant la face pendant encore de longues années. (...)