
Le gouvernement de la province pétrolière canadienne est parti en croisade contre tout ce qui s’approche de près ou de loin du mouvement écologiste. Il a notamment créé une « cellule de guerre » pour lutter contre la « désinformation » et défendre, entre autres, l’exploitation des sables bitumineux.
L’Alberta en a marre, et elle le fait savoir. « Ils se concentrent sur le Canada parce qu’ils nous voient comme la cible facile, le gamin le plus facile à intimider dans la cour d’école. » Voilà le genre de propos que Jason Kenney, Premier ministre conservateur de cette province de 4 millions d’habitants, ne cesse de répéter depuis son élection, en avril. « Ils », ce sont les groupes écologistes qui critiquent l’exploitation des sables bitumineux de l’Athabasca et combattent les projets d’oléoducs qui y sont reliés.
Des paroles suivies d’actions, articulées dans sa fight back strategy, ce qu’on pourrait traduire par la « riposte ». Le vocabulaire belliqueux est assumé, comme lors de l’annonce début juin d’une « cellule de guerre » (war room) dotée d’un budget de 30 millions de dollars canadiens (20 millions d’euros). D’après la ministre provinciale de l’Énergie, Sonya Savage, son rôle sera de « répondre aux mensonges et à la désinformation qui circulent sur l’énergie albertaine. Nous contesterons chaque affirmation à l’aide de faits et de preuves ». On n’en sait pas plus, mais on se doute qu’il s’agira de scruter ce qui se dit dans les journaux et sur les médias sociaux. Pour l’instant, seule l’embauche d’une ancienne journaliste du quotidien conservateur National Post a été annoncée.(...)
La tâche s’annonce ardue, car les sables bitumineux albertains commencent à être bien connus. L’exploitation de ce pétrole, parmi les plus polluants du monde, a des conséquences sur les rivières et la faune locale, et plombe le bilan carbone du CanadaM. Kenney n’a donc pas peur de diviser, et cela s’applique aussi aux Premières Nations, qui se positionnent souvent comme gardiennes du territoire. Début août, il a annoncé le lancement d’un fonds de 10 millions de dollars pour permettre à des autochtones « pro-développement des ressources » de lancer des procédures légales (par exemple, faire appel de décisions juridiques allant à l’encontre du secteur pétrolier). « Dans l’optique conservatrice, c’est quelque chose d’important, affirme le professeur Boily. Le but est de montrer que les autochtones ne forment pas un bloc qui est systématiquement contre l’exploitation des ressources naturelles. »
Pour Melina Laboucan-Massimo, qui est-elle même issue de la nation autochtone crie, cela n’était pas nécessaire : « Les peuples indigènes font déjà face à de nombreuses crises issues de la politique coloniale canadienne, comme de hauts taux de suicide et de pauvreté. Et voilà que les politiciens jettent de l’huile sur le feu en s’ingérant dans leur politique interne… »
Mais peut-être que les attaques de M. Kenney déclencheront un surplus de motivation chez les écologistes ? « Ce n’est pas mon cas, répond la militante. Je n’aime pas vraiment lutter contre des gens alors que nous devrions être unis pour nous occuper de la crise climatique. » Visiblement, l’Alberta a d’autres chats à fouetter que l’avenir du climat.(...)
Dès 2015, la revue Nature prévenait : le Canada devait laisser 75 % de ses réserves connues de pétrole dans le sol afin que la barre des 2 °C d’augmentation de la température mondiale ne soit pas atteinte en 2050. En Alberta, cela n’est toutefois pas dans les cartons : on parle plutôt d’augmenter la production de 53 % en 2030 par rapport au niveau de 2016.M. Kenney n’a donc pas peur de diviser, et cela s’applique aussi aux Premières Nations, qui se positionnent souvent comme gardiennes du territoire. Début août, il a annoncé le lancement d’un fonds de 10 millions de dollars pour permettre à des autochtones « pro-développement des ressources » de lancer des procédures légales (par exemple, faire appel de décisions juridiques allant à l’encontre du secteur pétrolier). « Dans l’optique conservatrice, c’est quelque chose d’important, affirme le professeur Boily. Le but est de montrer que les autochtones ne forment pas un bloc qui est systématiquement contre l’exploitation des ressources naturelles. »
Pour Melina Laboucan-Massimo, qui est-elle même issue de la nation autochtone crie, cela n’était pas nécessaire : « Les peuples indigènes font déjà face à de nombreuses crises issues de la politique coloniale canadienne, comme de hauts taux de suicide et de pauvreté. Et voilà que les politiciens jettent de l’huile sur le feu en s’ingérant dans leur politique interne… »
Mais peut-être que les attaques de M. Kenney déclencheront un surplus de motivation chez les écologistes ? « Ce n’est pas mon cas, répond la militante. Je n’aime pas vraiment lutter contre des gens alors que nous devrions être unis pour nous occuper de la crise climatique. » Visiblement, l’Alberta a d’autres chats à fouetter que l’avenir du climat.(...)
Mais la province pétrolière a un point faible : son enclavement. Elle n’a accès à aucun océan pour exporter son brut, ce qui la coupe des marchés internationaux et l’oblige à vendre au rabais aux États-Unis. Pour corriger cette situation et soutenir l’expansion des sables bitumineux, il lui faudrait construire de longs oléoducs, le réseau actuel étant saturé.
Ces tuyaux cristallisent l’opposition des groupes écologistes, des Premières Nations et des partis politiques de gauche. Plusieurs projets ont été abandonnés au cours des dernières années. (...)
Dès l’annonce de la nouvelle cellule de guerre, on a pu constater les risques de dérapage : sur scène, Jason Kenney a été introduit par Robbie Picard, qui dirige la campagne pro-pétrole Oil Sands Strong. M. Picard tenait un portrait d’une écologiste, Tzeporah Berman, flanqué de la légende « ennemie des sables bitumineux ». Celle-ci (qui n’est pourtant pas connue pour être radicale) a par la suite témoigné avoir reçu plusieurs messages violents et sexistes sur les réseaux sociaux ainsi que sur son répondeur.(...)
Dès l’annonce de la nouvelle cellule de guerre, on a pu constater les risques de dérapage : sur scène, Jason Kenney a été introduit par Robbie Picard, qui dirige la campagne pro-pétrole Oil Sands Strong. M. Picard tenait un portrait d’une écologiste, Tzeporah Berman, flanqué de la légende « ennemie des sables bitumineux ». Celle-ci (qui n’est pourtant pas connue pour être radicale) a par la suite témoigné avoir reçu plusieurs messages violents et sexistes sur les réseaux sociaux ainsi que sur son répondeur.(...)