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Le Monde
Au Maroc, des rassemblements pour dire « non à la culture du viol »
Article mis en ligne le 24 août 2017

Après la diffusion d’une vidéo montrant une agression sexuelle dans un bus, des sit-in ont été organisés par des militantes féministes dans plusieurs villes du pays.

Au milieu du brouhaha de la place des Nations unies, dans le centre-ville de Casablanca, une foule de femmes et d’hommes tentent de se faire entendre. Ils se sont rassemblés, mercredi 23 août, pour défendre la condition des femmes au Maroc, deux jours après la diffusion d’une vidéo montrant un groupe d’adolescents agresser sexuellement une jeune femme dans un bus en pleine journée.

« Au Maroc, le harcèlement sexuel a un effet cocotte-minute que cette affaire, qui n’est pas la première, a fait exploser. Aujourd’hui, nous sommes là pour mettre fin à une situation trop longtemps tolérée », affirme une des manifestantes, qui brandit une pancarte sur laquelle on peut lire : « Non à la culture du viol. » (...)

Organisés par un collectif de militantes féministes sur les réseaux sociaux pour dénoncer le harcèlement dont sont victimes les Marocaines, des sit-in ont eu lieu au même moment à Rabat, Marrakech, Tanger et Agadir.
Malgré l’engouement sur Facebook, où plus de 5 000 personnes prévoyaient de participer à ces événements, peu ont répondu présent. « C’est dommage de constater que dans une ville de 4 millions d’habitants, à peine 200 personnes sont venues défendre la cause des femmes », regrette Réda, 20 ans (...)

« Les femmes ont peur de sortir de chez elles. Elles savent que si elles sont attaquées, personne ne viendra à leur secours. Ni la société civile, ni les autorités », déplore Houria, 36 ans. « Nous avons appris à vivre avec le harcèlement sexuel, à s’adapter en fonction comme si c’était normal. J’évite de prendre le bus pour me déplacer en journée ou de sortir tout court après le coucher du soleil. Jusqu’à quand allons-nous nous laisser faire ? », s’interroge une autre Marocaine dans la foule.
« La femme est constamment tenue responsable »

Plus que la vidéo de l’agression, qui a provoqué une onde de choc dans le pays, les Marocains réunis sur la place se disent outrés par les réactions de leurs compatriotes.
« Beaucoup d’internautes ont pris la défense des agresseurs. Sous prétexte que la jeune femme était habillée trop légèrement ou qu’elle connaissait ses agresseurs, des internautes leur ont donné raison. J’appelle ça une apologie du viol. Ça en dit long sur les mentalités dans notre société, où la femme est constamment tenue responsable », se désole Selma, une des organisatrices de l’événement.
Alors que les militants fustigeaient ces réactions, deux hommes présents dans la foule ont tenté d’interrompre les slogans scandés sur le droit des femmes, affirmant que celles-ci « étaient par nature provocatrices et méritaient les agressions sexuelles qu’elles subissent ». (...)

« Le projet de loi contre les violences faites aux femmes traîne depuis 2013 au Parlement. Pendant ce temps, notre ministre a une réaction complètement déconnectée de la réalité », s’exaspère Chaima Lahsini, porte-parole du collectif féministe à Rabat, où un sit-in similaire a réuni près de 200 personnes. « Sans parler de Mustapha Ramid [ministre d’Etat chargé des droits de l’homme] qui a minimisé la situation en déclarant que le harcèlement sexuel existait partout dans le monde », ajoute la jeune activiste. (...)

« Qu’est-ce qu’on fait des autres, celles qui ne sont pas filmées ? A peine dimanche, une jeune fille a été violée par cinq hommes et laissée dans la forêt à Kénitra. Mais personne n’est au courant », s’insurge Chaima Lahsini.
Beaucoup des femmes rassemblées place des Nations unies disent avoir perdu confiance en la justice. « Les autorités ne garantissent la sécurité que lorsqu’il existe un danger pour l’Etat, et non pour ses citoyens », conclut désespérément l’une des manifestantes.