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Au Québec, la crise du coronavirus pourrait ouvrir « le grand chantier de l’autosuffisance » alimentaire
Article mis en ligne le 2 avril 2020

« On produit pour l’étranger, on consomme de l’étranger et on fait venir des travailleurs de l’étranger », dit un paysan québecois. La pandémie ouvrira-t-elle le « grand chantier de l’autosuffisance » et des circuits courts ?

Dans les supermarchés du Québec, il faut parfois chercher longtemps pour trouver un légume local : en hiver et au printemps, à peu près tout vient des États-Unis ou du Mexique. Le climat canadien n’est pas le meilleur allié du producteur maraîcher, bien sûr, mais ce sont surtout les accords de libre échange qui ont transformé l’agriculture québécoise au cours des dernières décennies. Exit la saisonnalité de l’alimentation, les importations permettent de manger les mêmes produits frais toute l’année. En retour, la Belle province s’est spécialisée dans quelques productions destinées à l’exportation, comme le porc et le sirop d’érable. Et le taux d’autosuffisance alimentaire y est tombé de 80 % dans les années 1980 à 33 % aujourd’hui… (...)

Cette situation est-elle viable ? Le président Donald Trump se caractérise par son imprévisibilité et on commence à comprendre le vrai sens de son slogan « America First » (Les États-Unis d’abord) depuis qu’il a tenté de s’accaparer un potentiel vaccin allemand contre le Covid-19. (...)

Jusqu’où le président étasunien pourrait aller si la pandémie ravage son pays, comme les plus récentes prévisions le laissent penser ? Nul ne le sait. (...)

Une combinaison gagnant-gagnant typique du vieux monde libéral et globalisé qui a pris quelques rides depuis quelques semaines : l’exploitant agricole québecois paie les billets d’avion et l’hébergement, les ouvriers étrangers reçoivent un meilleur salaire que dans leur pays d’origine — tout en restant faible pour le Canada, ce qui permet au consommateur de payer moins cher son alimentation. Quand les frontières ferment, par contre, ça se gâte… (...)

L’UPA a obtenu que les travailleurs latino-américains ne soient pas concernés par la fermeture des frontières du Canada, moyennant l’obligation pour eux de respecter deux semaines de quarantaine à leur arrivée dans la ferme qui les embauche. Mais la pandémie évolue tellement vite qu’on ne peut être certain que toute cette main-d’œuvre viendra (...)

À tel point que, comme en France, le gouvernement provincial veut faire appel aux personnes qui ont récemment perdu leur emploi pour aller travailler dans les champs.

C’est un rappel à l’ordre brutal pour les agriculteurs québécois. (...)

« Alors que la production à plus petite échelle a fait ses preuves de rendement et nourrit actuellement 70 % de la population mondiale, le Québec continue de s’enfoncer dans une dépendance aux marchés mondiaux, ce qui compromet sérieusement la souveraineté alimentaire de nos communautés. » (...)

Si la crise du Covid-19 fait beaucoup de victimes, les petits producteurs et les circuits courts pourraient-ils tirer les marrons du feu ? Sur les réseaux sociaux, de nombreux appels à soutenir les petites entreprises locales circulent, et les agriculteurs de proximité font partie des plus plébiscités. Cette année, plusieurs d’entre eux ont enregistré une hausse marquée des abonnements à leurs paniers de légumes, jusqu’à 60 % dans le cas des Jardins du Village, une ferme de la région de la Gaspésie. Il semblerait donc qu’en période de pandémie, la saine alimentation ait la cote. (...)

Du côté de l’organisme montréalais Équiterre, précurseur de l’agriculture soutenue localement — il a notamment bâti un impressionnant un réseau de « fermiers de famille » — on dit avoir aussi remarqué une augmentation des inscriptions aux paniers de légumes en 2020, mais trop légère pour conclure dès maintenant à un impact « positif » de la crise du Covid-19. (...)

À sa grande surprise, M. Dubé a reçu de nombreux CV depuis quelques semaines, de gens ayant perdu leur emploi et voulant réaliser un vieux rêve de travailler dans une petite ferme familiale. Si le Covid-19 emporte tout sur son passage, il semble quand même semer quelques graines pour l’avenir.