
La table ronde « L’Europe croit-elle encore à sa culture ? » organisée au Salon du Livre de Paris en présence, notamment, du commissaire européen Pierre Moscovici, de Fleur Pellerin et de son homologue polonaise, promettait un débat de haut vol. Mais le manque de contradicteurs et l’obsession pour la réforme du droit d’auteur ont tiré l’événement vers le bas. Malaise.
Inutile de connaître la chaîne du livre sur le bout des doigts pour se rendre compte que la rencontre manquait singulièrement de contradicteurs : bibliothécaires, librairies, auteurs moins « installés » que Éric-Emmanuel Schmitt... Personne n’était présent pour défendre – sinon débattre, autour du rapport Reda ou encore évoquer les pistes possibles d’une réforme du droit d’auteur au niveau européen.
Forcément, puisque le débat est houleux et qu’il intéresse plus largement qu’on voudrait le faire croire, un participant au débat, se présentant comme un « pirate », a interrompu les discussions pour faire entendre un autre point de vue.(...)
Mais le ressort le plus détendu de cette campagne se trouve probablement dans ce hashtag volontairement trompeur, #CopyrightForFreedom. La Fédération européenne des éditeurs confond avec ce titre, et dans le texte, les droits du créateur et la propriété intellectuelle. Le copyright ne correspond pas aux droits du créateur, ce que l’ONU a rappelé dans un récent rapport. (...)
Le Salon du livre de Paris est coorganisé par Reed Expositions et le Syndicat national de l’Édition, et les invités choisis relèvent de leur seule responsabilité. Mais l’absence de bibliothécaires, français ou européens, est particulièrement dommageable dans un débat apaisé autour du droit d’auteur. Les bibliothécaires ont en effet manifesté leur soutien au rapport Reda, parce qu’il avance des hypothèses facilitant leur métier et la diffusion de la culture.
L’exception au droit de prêt pour les livres numériques, par exemple, si elle était harmonisée dans l’Union européenne, permettrait de mettre en place un système de rémunération pour les créateurs, transparent et favorable à tous les créateurs. Pour le moment, dans toute l’Europe, les éditeurs fixent leurs conditions de prêts, limitant l’accès aux livres et réduisant les possibilités budgétaires des établissements. À l’arrière-plan, notons-le, Amazon dispose d’un service de prêt dans son environnement Kindle...
La main dans le sac à Creative Commons
Le hasard fait bien les choses : au moment où les éditeurs européens et internationaux appelaient à un respect immuable du copyright, l’Union internationale des éditeurs commettait une belle infraction au droit d’auteur (et non au copyright). L’UIE a en effet utilisé une photographie d’ActuaLitté placée sous licence légale Creative Commons (CC BY SA 2.0), sans citer le créateur original. L’Union a depuis retiré la photographie, et s’est excusée auprès du journal. (...)
Parlons de droit d’auteur : le dernier baromètre des relations entre auteurs et éditeurs, présenté par la Scam et la SGDL, révèle que 6 auteurs sur 10 considèrent qu’elles sont insatisfaisantes, voire conflictuelles. La rémunération des créateurs est devenue une question cruciale, urgente, et plusieurs marches ont eu lieu. Si la défense de la propriété intellectuelle est un sujet de choix pour l’édition, le taux de rémunération des auteurs l’est beaucoup moins, évidemment (...)
L’eurodéputée devenue la cible des industries culturelles françaises déplorait elle-même sur son blog un refus absolu du dialogue.
Il serait temps de l’intégrer dans les débats : aucune session de questions ne sera donc organisée à la fin de cette rencontre sur l’Europe et sa culture. À la place, Pierre Dutilleul introduira la conférence suivante, sur... la liberté d’expression. Sinistre.