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Au coeur des camps de réfugié·es du Liban : sans haine, une autre ambiance
/ Ricardo Parreira Journaliste independant
Article mis en ligne le 8 décembre 2021
dernière modification le 7 décembre 2021

Dans un moment historique en France, où certain·es fanfaronnent le verbiage fascisant, alors que la couleur de la peau incite au récit raciste, et que la bienveillance est remplacée par le besoin d’une haine identitaire, rappelons-nous qu’il y a des pays dans le monde qui accueillent des millions de réfugié·es.

Au Liban - dont l’histoire ne nous cache rien et porte en elle la souffrance de conflits idéologiques et religieux qui sont, en réalité, à peine résolus - plus d’un million et demi de Syriens et Syriennes ont trouvé refuge. Le Liban et la Syrie partagent une longue histoire commune. Cependant, depuis la Révolution des Cèdres, le Liban évite l’influence syrienne. À partir de 2011, une guerre civile explose en Syrie. Comme en toute guerre, la mort prend les âmes des voisin·es, des ami·es et pour nombreux·ses, de connaissances. D’un coup, le Liban se voit "forcé" à accueillir des centaines de milliers de réfugié·es. Sans capacité logistique ni stabilité politique, il va pourtant, ouvrir ses frontières et compter sur l’aide humanitaire internationale. (...)

Face aux discours, qui divisent entre celles et ceux qui fuient la guerre et celles et ceux qui fuient la pauvreté, ou la discrimination, osons regarder une autre ambiance. Celle de la joie d’avoir un lieu sur, de se sentir protégé, de pouvoir jeter quelques semences dans la terre, et de savoir qu’on a du temps pour les voir grandir. (...)

Malgré les difficultés ressenties par les réfugié·es, l’ambiance est tout à fait différente quand de celle des camps de refugié·es en France, en Italie ou en Grèce. Pour entrer sur le territoire européen, nombre de ces réfugié·es ont perdu la vie. Une fois ici, ils et elles sont violemment poursuivi·es par des polices européennes, puis enfermé·es dans des camps qui ressemblent davantage à des prisons. Les réfugiés, les sans-papiers européens, vivent dans un état de stress constant, craignant d’être persécutés ou d’être arrêtés par les forces de police. (...)

Encore aujourd’hui, plus d’un million et demi de réfugié·es, vivent dans ce petit pays qu’est le Liban. Selon les Nations Unies, en 2021, "la grande majorité des réfugiés ont continué à recourir à des méthodes de survie informelles, telles que mendier, emprunter de l’argent, ne pas envoyer leurs enfants à l’école, réduire les dépenses de santé ou ne pas payer le loyer." (...)

Naître est venir au monde ; quitter le monde est disparaître. La vie requiert un monde. La mort n’est pas la séparation de l’esprit et du corps mais la séparation du corps et du monde. Pour qu’un être naisse, il faut qu’un monde l’accueille : l’être jeté hors de soi dans le monde a besoin d’un monde auquel il advienne. Mais comment le monde est-il, lui, advenu ? Comment est-il venu à lui ? Il est né des migrations, des exils et des transgressions qui ont donné naissances aux pays, aux frontières, et aux peuples qui les habitent. (...)

C’est quand on peut vivre l’expérience d’être dans un camp de réfugié·es dans un pays comme le Liban ou la Turquie, qu’on devient conscient de la manière atroce avec laquelle on accueille des réfugié·es, et qui révèle certains phénomènes politiques étranges. (...)

En termes de droits, les réfugié·es sont vraiment lésés, une grande majorité est soumise à des lois discriminatoires, déjà appliquées aux Palestinien·nes, qui les privent de leur droit de posséder des biens immobiliers ou d’en hériter. Selon l’Amnesty International, dans son rapport de 2020, l’État Libanais ne leur permet pas d’accéder à l’enseignement public ni aux services publics de santé et les empêchait d’exercer 36 professions au moins. (...)

Malgré les rapatriements « parfois forcés » vers la Syrie, et une critique croissante envers les réfugié·es syrien·nes par des Libanais, « il existe au Liban une réelle expression de solidarité envers les réfugiés, le Liban étant à cet égard le pays le plus accueillant au monde, a-t-il été observé à l’occasion de l’examen, par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale ». Une réalité, également partagée sur le terrain, car les enfants et les femmes, qui sont les plus exposé·es aux violences, partagent souvent une joie, que toutes les « contraintes » de la vie n’arrivent pas à effacer. (...)

Depuis quelques années, la situation des réfugiés du Liban s’est aggravée. À l’instabilité politique quasi permanente s’ajoute une géopolitique qui ne favorise pas l’aide aux réfugiés. En désespoir de cause, et sans possibilité de retourner en Syrie, une petite partie des réfugiés qui ont de l’argent, se lancent dans une aventure qui pourrait leur coûter la vie pour entrer dans la forteresse européenne.