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Au-delà des clichés : « Non, il ne suffit pas de traverser la rue pour décrocher un contrat »
Patrice Bride, La vie devant nous. Récits de jeunes privé.e.s d’emploi, Éditions de l’Atelier, 96 p., 5 euros. Sortie le 10 janvier 2019.
Article mis en ligne le 3 février 2019
dernière modification le 31 janvier 2019

A quoi ressemble la vie, quand on a moins de trente ans et qu’on ne trouve pas de travail ? Neuf récits publiés par les Éditions de l’Atelier livrent quelques réponses, et renversent ce cliché en vogue : « Quand on veut, on peut ! »... « Non, il ne suffit pas de traverser la rue, de se secouer un peu pour décrocher un contrat. Non, il ne suffit pas de quelques judicieuses réformes sociales pour que chacun ait accès à un emploi », répond Patrice Bride, dont l’ouvrage La vie devant nous. Récits de jeunes privé.e.s d’emploi expose ces histoires, dont celles de Valoucka et David. Extraits.

« Sur le plan du travail, j’ai diverses expériences, énonce Valoucka, mais je n’ai jamais trouvé d’emploi stable. J’ai fait pourtant plusieurs formations, au lycée ou en apprentissage. J’ai mon bac, et même une année de BTS en nettoyage industriel. Mais j’ai l’impression que je suis toujours soit trop qualifiée, soit pas assez. Une anecdote m’a marquée. Il y a deux ans et demi, j’ai eu un entretien avec une personne pour un emploi. J’étais arrivée par le bus, mon rendez-vous était à 11h. Elle m’a fait attendre une demi-heure, sans me prévenir de son retard.

« Vous êtes trop qualifiée pour ce que j’ai à vous proposer »
« Elle a regardé mon CV et vu que j’étais passée par l’INHNI (Institut national de l’hygiène et du nettoyage industriel). "Une école dans le nettoyage industriel, très bien, mais vous êtes trop qualifiée pour ce que j’ai à vous proposer." J’ai répondu : "Même trop qualifiée, je prends." Elle m’a dit : "Non, je préfère quelqu’un qui a moins de qualification." Ça ne va jamais : d’autres fois on me dit que mon expérience est trop ancienne, que je dois refaire une formation. Si je postule dans le nettoyage, on va me dire : "Il y a de nouvelles machines, de nouveaux produits qui sont sortis." En fait, ils renvoient tout le temps les gens en formation, mais j’ai l’impression que c’est pour les occuper, sans pour autant qu’on ait un emploi garanti derrière.

« J’ai déjà eu un CDI, mais ça n’a pas duré longtemps. J’avais vu passer une annonce pour un poste de deux heures par jour, alors j’avais foncé. C’était un boulot de femme de ménage en nettoyage industriel à Rennes. Je travaillais de 8h à 10h dans une grande surface. Problème : il fallait que mon compagnon m’emmène le matin, car nous ne disposons que d’un véhicule. Il devait donc faire 1h30 de trajet aller-retour avant de démarrer son travail. De mon côté, après avoir fini le boulot à 10h, je devais attendre jusqu’à 13h pour récupérer un car. Pour m’occuper, j’allais dans une boulangerie pour m’acheter un pain au chocolat, ou j’achetais le journal. Je rentrais à la maison, j’y restais tout l’après-midi et le lendemain, c’était reparti pour un tour.

« Tout partait dans les transports, rien ne rentrait pour le couple » (...)