
La désertification médicale touche de plein fouet Aubergenville, où seulement quatre médecins soignent une population de plus de 12 000 habitants. Leur cri d’alerte ne semble pas écouté par l’Agence régionale de santé
Quatre médecins pour une population d’environ 12 000 habitants. A Aubergenville, la désertification médicale ne menace plus, elle est déjà une réalité. Il n’y a qu’à voir les files d’attentes qui se forment dès le matin avant même l’ouverture des portes du cabinet d’Acosta. Ici, trois médecins généralistes enchaînent les consultations et tentent de maîtriser la situation. Car si elle est déjà critique, c’est une crise bien plus dramatique qui menace la commune et les villages voisins. Sur les quatre médecins encore en exercice, trois ont plus de 66 ans ! Faute de pouvoir trouver des successeurs, ils continuent à recevoir les patients. Pourtant, des solutions proposées par les médecins eux-mêmes permettraient de contenir l’hémorragie. Ne s’estimant pas assez écoutés par les pouvoirs publics et notamment l’Agence régionale de santé (ARS), ils tirent aujourd’hui le signal d’alarme.
« Ça fait 20 ou 30 ans qu’on va dans le mur ! »
A Mantes-la-Jolie et aux Mureaux, la pénurie de médecin se fait déjà ressentir et un scénario similaire à celui d’Aubergenville se dessine. L’explication est simple, comme dans beaucoup de secteurs d’activité, le départ en retraite des « baby boomers » va laisser un grand vide. Ces enfants, nés pendant le choc démographique d’après-guerre, laissent aujourd’hui la place aux jeunes. Mais encore faut-il que les jeunes soient prêts à prendre le relais. « Il faut dix ans pour former un médecin ! Le départ de notre génération devait se préparer. Aujourd’hui, le trou est là » (...)
« Cela fait 20 ou 30 ans qu’on va dans le mur, tout le monde le sait. L’ARS nous dit qu’il y a assez de médecins alors que pourtant, on en recrute à l’étranger », s’étonne le docteur Dominique Vivien, lui aussi installé à d’Acosta.
8 à 15 jours pour un rendez-vous
Les médecins aubergenvillois désignent un autre phénomène qui, selon eux, n’arrangerait pas la situation de la médecine de ville : « Il y a aujourd’hui environ 60 à 70 % de femmes chez les jeunes médecins. Et très souvent, elles envisagent de faire des enfants, puis d’aménager leur temps de travail. Elles ne veulent pas faire 70 ou 80 heures par semaine, ce que je conçois très bien », explique Dominique Vivien.
« Il va y avoir des morts ! »
Pendant le mois d’août, ils ne seront parfois que deux à recevoir les patients d’Aubergenville et des petites communes aux alentours. « Comment va-t-on faire ? On recevra 150 personnes par jour ? C’est impossible. Nous sommes déjà tellement débordés qu’il faut de 8 à 15 jours pour avoir un rendez-vous. On a créé des situations compliquées, les gens attendent trois heures et sont ensuite agressifs… Je le dis souvent à l’ARS, si on continue et que les gens ne peuvent plus se soigner il va y avoir des morts ! » (...)