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Slate.fr
Aux États-Unis, « il y a des gens qui font du profit avec la détention des enfants »
Article mis en ligne le 23 août 2019

L’administration Trump veut construire de nouvelles installations pour détenir les enfants migrants isolés, qui se retrouvent enfermés dans des conditions lamentables.

Il y a deux ans, lorsque Evelyn Caffo a commencé à travailler dans un refuge pour migrants mineurs isolés, elle s’est dit qu’elle tenait là un bon moyen d’aider sa communauté : « Je suis originaire du Pérou, alors j’aime aider les gens qui viennent d’Amérique centrale et du Sud. »

En réalité, raconte-t-elle, elle s’est très vite rendu compte qu’elle était entrée dans un système où les enfants se voient refuser le nécessaire par pur mépris et où « la manipulation psychologique est banalisée ». (...)

Les responsables au niveau fédéral présentent les centres d’accueil tels que celui où Caffo a été employée comme une solution partielle à la crise humanitaire qui sévit à la frontière avec le Mexique.

Après l’indignation publique soulevée par les conditions épouvantables dans lesquelles des enfants ont été détenus pendant des semaines par le Service américain des douanes et de protection des frontières (Customs and Border Protection, CBP), les hauts fonctionnaires avancent à présent qu’il leur faut davantage d’argent pour déplacer les enfants de la frontière et les enfermer dans des centres de détention à long terme.

Ces refuges sont supervisés par le Bureau de placement des réfugiés (Office of Refugee Resettlement, ORR) du département de la Santé et des Services sociaux (Health and Human Services, HHS), qui s’occupe des enfants migrants jusqu’à ce qu’un parent, un membre de la famille ou une autre personne se présente pour en récupérer la garde.

Contrairement aux centres de détention gérés par le Service des douanes et de la protection des frontières, les installations de l’ORR sont conçues pour des séjours longs et possèdent généralement les infrastructures idoines : cafétérias, salles de classe et services de suivi.

Mais même s’ils fournissent aux enfants des brosses à dents et des lits, il est prouvé que ces centres d’accueil à long terme sont le cadre de violences et de négligences. (...)

Les enfants migrants non accompagnés sont censés quitter les installations du CBP et être confiés à l’ORR dans les soixante-douze heures après leur arrestation. Ce dernier sous-traite leur prise en charge à un certain nombre de centres d’accueil, à but parfois lucratif, qui s’en occupent jusqu’au placement sous tutelle ou en famille d’accueil. Le Center for Family Services, où travaillait Caffo, gère plusieurs de ces refuges dans le New Jersey. (...)

« Beaucoup d’employés pensent que ces gosses, en franchissant la frontière,
ont commis un délit. »

Evelyn Caffo, ancienne responsable de centre d’accueil
(...)

Les refuges de l’ORR ont été le cadre de plus de 4.500 accusations d’agressions sexuelles et de harcèlement entre 2014 et 2018 ; plus de 1.000 de ces affaires –dont 178 concernaient des agressions par des adultes membres du personnel– ont été signalées au ministère de la Justice. (...)

Les politiques de l’administration Trump n’ont fait qu’aggraver la crise. Auparavant, la majorité des mineurs étrangers de ces refuges étaient des ados qui y passaient quelques mois avant que des familles américaines ne les accueillent. Aujourd’hui, le nombre d’enfants de moins de 13 ans ne cesse d’y croître. À ce jour, les enfants non accompagnés et les familles représentent 63% de toutes les personnes arrêtées à la frontière sud.

Autrefois, les mineurs isolés étaient généralement des enfants qui soit traversaient seuls la frontière, soit le faisaient avec des adultes autres que leurs parents. Or l’administration actuelle a enlevé à leurs familles de nombreux enfants venus avec leurs parents ou des personnes assumant légalement leur tutelle, les a catégorisés comme « non accompagnés » et les a enfermés. (...)

Sous la politique de tolérance zéro du président Donald Trump, l’ensemble des adultes, y compris les parents, ont fait l’objet de poursuites pour entrée illégale et d’un placement en détention. En vertu d’une loi de 1997 qui établit les conditions de traitement des mineurs à la charge de l’État, leurs enfants ne pouvaient pas les accompagner.

En juin 2018, après le tollé provoqué par cette politique de séparation des familles, Trump a signé un décret indiquant au département de la Sécurité intérieure de l’interrompre le temps que dureraient les procédures. Seulement, entre la politique de tolérance zéro et la signature du décret, plus de 2.500 enfants ont été enlevés à leurs parents.

Début août 2019, l’ONG de défense des libertés civiles ACLU a engagé une procédure judiciaire dans le cadre de laquelle elle a révélé qu’au moins 900 enfants ont été séparés de leurs parents depuis la signature du décret l’année dernière.

Outre le durcissement des lois sur l’immigration, un accord de 2018 entre l’ORR, le CBP et l’ICE [les services de l’immigration, qui arrêtent les sans-papiers, ndlt] ordonne que les agences partagent leurs informations, ce qui dissuade d’éventuels tuteurs ou tutrices de se signaler pour accueillir les enfants à leur domicile.

Lors d’une audition à la Chambre des représentants, la députée du Connecticut Rosa DeLauro a déclaré que cet accord « utilisait les enfants comme des appâts et empêchait, par peur, les tuteurs de se manifester, en faisant du département de la Santé et des Services sociaux un outil de contrôle de l’immigration ».

DeLauro a signalé un autre changement récent : « Ils se sont mis à relever les empreintes digitales de tous les membres de la famille, en plus des individus qui se présentent pour être les tuteurs, ce qui les décourage d’en faire la démarche et a pour conséquence de laisser des enfants languir dans des centres de rétention fédéraux. »

Beaucoup de ces personnes ont de bonnes raisons de craindre que les informations sur leur identité ne soient utilisées à leurs dépens. Entre juillet et novembre 2018, 170 sans-papiers ont été arrêtés en venant récupérer des enfants. (...)