À Los Angeles.
« Les jeunes sont le cœur de la Marche pour la vie, c’est votre génération qui rend l’Amérique pro-famille et notre nation “pro-vie” », clamait le président Trump le 24 janvier dernier devant une foule de plusieurs milliers de personnes. Pour la première fois en quarante-sept ans, le président des États-Unis était présent lors de la manifestation annuelle des anti-avortement. Dans leurs rangs, des groupes religieux (beaucoup de catholiques) et parmi eux énormément de jeunes, venus en autocar depuis tout le pays. Ils se sont regroupés par paroisses, lycées ou universités, pour clamer : « L’avortement, c’est du meurtre. »
Avec son implication de plus en plus poussée en faveur des opposant·es à l’avortement, le candidat à sa réélection en novembre 2020 remet le sujet sur le tapis, dans un pays plus divisé que jamais sur la question. Depuis l’arrêt de 1973, ordonné par la Cour suprême lors du procès Roe v. Wade, le droit à l’avortement n’a cessé d’être contesté aux États-Unis. Même très récemment, durant la crise du coronavirus, plusieurs États en majorité républicains ont profité du chaos engendré par la crise sanitaire pour passer des lois encore plus restrictives. C’est le cas notamment du Tennesse (État républicain de la Bible Belt), où le Congrès local a voté le 19 juin une loi réduisant la durée de recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) aux premiers battements de cœur, soit plus ou moins six semaines.
Dans ce contexte de crise sanitaire et sociale, et en période de campagne électorale, le mouvement « pro-vie » semble plus organisé que jamais. Avec près de 7 millions de primo-votant·es en novembre prochain, ces militant·es sont parti·es en croisade pour séduire les plus jeunes.
« Pro-vie » sur TikTok, comment ça marche ?
Lancé en juillet 2019, le compte TikTok du groupe anti-avortement Live Action compte presque 105.000 abonné·es, et 4 millions de mentions « j’aime » sur ses courtes vidéos. (...)
Live Action a su prendre le tournant numérique grâce à une stratégie d’ambassadeurs et d’ambassadrices sur différentes plateformes, qui assurent la promotion de leur contenu et diffusent un discours lissé et préparé. (...)
Live Action se targue d’avoir fait plus 129 millions de vues sur une vidéo fallacieuse mettant en scène le démembrement des foetus lors des avortements tardifs. D’après Lauren Enriquez, responsable de la communication, que nous avons contactée, « par son solide rayonnement sur les réseaux sociaux, Live Action joue un rôle éminent dans le renforcement des positions “pro-vie” ». Une façon de dire que l’idéologie anti-avortement trouve dans les réseaux sociaux un nouveau souffle, mais aussi un nouveau public.
Instagram, le choix de la neutralité (...)
Que ce soit sur Instagram ou TikTok, les échanges d’informations, les débats ou querelles entre les deux partis deviennent parfois violentes.
C’est là qu’intervient la modération. Sur Instagram, l’utilisation de contenu explicite (comme des vidéos mettant en scène des foetus ensanglantés) n’est pas prohibée par le réseau social, mais encadrée et parfois balisée pour avertir l’internaute. Pour ce qui est de prendre part au débat, Facebook-Instagram assure ne pas censurer les contenus anti-avortement, à moins que ceci violent leur politique. (...)
Un gloubiboulga d’idéaux
Jusqu’à présent, les anti-avortement aux États-Unis étaient principalement des Républicain·es conservateurs et conservatrices, et généralement chrétien·nes. Très souvent cette vision clichée du « pro-vie » s’est vérifiée et s’affirme, en manifestation comme sur les réseaux. En étudiant les hashtags utilisés à côté du #prolife ou #abortionismurder (l’avortement est un meurtre), on trouve bien souvent le populaire #maga [Make America Great Again (rendre sa grandeur à l’Amérique), slogan de campagne de Donald Trump en 2016, ndlr] ou le plus récent #kag [Keep America Great, le slogan version second mandat, ndlr], voire le très parlant #protrump.
Depuis la prise à partie du président en janvier dernier, la convergence entre conservateurs et « pro-vie » est plus visible, notamment dans les États du sud du pays (...)
De nombreuses jeunes filles ou femmes, fortes du mouvement #MeToo, se considèrent comme « pro-vie » et féministes, voire « pro-women ». (...)
Carter Sherman, journaliste de l’édition américaine de Vice, analyse la mutation des militant·es « pro-vie », qui se détachent de plus en plus du militantisme hargneux façon Juno. Si les militant·es qui scandent des slogans culpabilisant les femmes devant les cliniques du Planning familial n’ont pas disparu, elles et ils ne sont plus la vitrine de ce mouvement.
Les jeunes femmes photogéniques et aux arguments bien construits de TikTok et Instagram sont considérées comme un relais idéologique bien plus porteur. Elles se sont construites avec #MeToo et revendiquent leur part de féminisme. Enfin, celle qui les arrange, avec l’héritage d’Alice Paul, suffragette et accessoirement anti-avortement, au début du XXe siècle –époque où il semblait encore difficile de militer pour.
En plus d’être très présent·es sur les réseaux sociaux, les militant·es « pro-vie » sont aussi très au point sur l’actualité. Hyper-connectées, les dernières générations consomment l’information par des médiums et biais différents de leurs aînées, notamment via les réseaux sociaux.
Depuis la mi-mai et le meurtre de George Floyd, la question du racisme aux États-Unis est de nouveau au cœur de l’actualité. Avec le #Blacklivesmatter (les vies des Noir·es comptent), une déferlante de contenus antiracistes a envahi les réseaux sociaux, de Twitter à Instagram. Même TikTok est devenu un lieu d’expression pour les personnes qui défendent une Amérique plus juste pour les personnes racisées, avec plus de 10 milliards de vidéos et de publications portant le fameux hashtag.
Cette vague n’a pas échappé aux militant·es « pro-vie », qui ont participé sur Instagram au « Blackout Tuesday » ou ont relayé des contenus antiracistes. Certain·es iront même plus loin, en défendant l’argument que la majorité des avortements concernant des foetus noirs, les « pro-vie » seraient plus à même de défendre les Afro-Américain·es que les Démocrates (...)
Carter Sherman, journaliste de l’édition américaine de Vice, analyse la mutation des militant·es « pro-vie », qui se détachent de plus en plus du militantisme hargneux façon Juno. Si les militant·es qui scandent des slogans culpabilisant les femmes devant les cliniques du Planning familial n’ont pas disparu, elles et ils ne sont plus la vitrine de ce mouvement.
Les jeunes femmes photogéniques et aux arguments bien construits de TikTok et Instagram sont considérées comme un relais idéologique bien plus porteur. Elles se sont construites avec #MeToo et revendiquent leur part de féminisme. Enfin, celle qui les arrange, avec l’héritage d’Alice Paul, suffragette et accessoirement anti-avortement, au début du XXe siècle –époque où il semblait encore difficile de militer pour.
En plus d’être très présent·es sur les réseaux sociaux, les militant·es « pro-vie » sont aussi très au point sur l’actualité. Hyper-connectées, les dernières générations consomment l’information par des médiums et biais différents de leurs aînées, notamment via les réseaux sociaux.
Depuis la mi-mai et le meurtre de George Floyd, la question du racisme aux États-Unis est de nouveau au cœur de l’actualité. Avec le #Blacklivesmatter (les vies des Noir·es comptent), une déferlante de contenus antiracistes a envahi les réseaux sociaux, de Twitter à Instagram. Même TikTok est devenu un lieu d’expression pour les personnes qui défendent une Amérique plus juste pour les personnes racisées, avec plus de 10 milliards de vidéos et de publications portant le fameux hashtag.
Cette vague n’a pas échappé aux militant·es « pro-vie », qui ont participé sur Instagram au « Blackout Tuesday » ou ont relayé des contenus antiracistes. Certain·es iront même plus loin, en défendant l’argument que la majorité des avortements concernant des foetus noirs, les « pro-vie » seraient plus à même de défendre les Afro-Américain·es que les Démocrates (...)
Il est vrai que le taux de mortalité au moment de l’accouchement, pour la mère comme l’enfant, est plus important aux États-Unis pour les communautés non-blanches, et spécifiquement pour les Afro-Américaines. Cet argument a été mis en avant ces dernières semaines, mais n’a pas (encore) été repris par le candidat Trump, nouveau pourfendeur des « pro-vie » (malgré son passé assumé de « pro-choix » dans les années 1990). Parmi les jeunes militantes « pro-vie » interrogées, Cierra, Mary-Logan voteront pour le président sortant.